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Les «en-attendantistes» (en rappel)

 

Alors que François Legault et sa CAQ continuent de caracoler dans les sondages, vous me permettrez de reprendre l‘analyse que je faisais en octobre 2010 d’un phénomène politique qui prend de l’ampleur et dont participe la CAQ, mais pas seulement la CAQ…

Un phénomène que j’ai baptisé le «en-attendantisme». Un texte qui, lors de sa publication, avait provoqué de nombreuses réactions.

Hormis la référence incontournable à Joseph Facal au moment de sa rédaction, et après la «fusion» CAQ-ADQ, cette chronique continue d’offrir un éclairage, disons, plus large à la naissance de la CAQ et à sa progression.

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LES «EN-ATTENDANTISTES»

Le phénomène est fascinant. D’un côté, les sondages indiquent depuis des mois que le PQ remporterait une victoire majoritaire s’il y avait élection.

De l’autre, Pauline Marois est de plus en plus critiquée pour son incapacité à « profiter » de la déconfiture du gouvernement Charest…

Pis encore pour elle, une rumeur persiste quant à la création d’un mouvement politique ou groupe de réflexion de centre-droit par les ex-ministres péquistes Joseph Facal et François Legault. Pavant possiblement la voie à la fondation d’un parti, il serait « neutre » sur la question nationale en proposant de vaquer exclusivement aux questions de gouvernance. On dit même que l’idée aurait reçu la bénédiction urbi et orbi du Lucide-en-chef, Lucien Bouchard.

Bref, beaucoup de conditionnel dans tout ça…

Or, cette semaine, à C’est bien meilleur le matin, André Pratte de La Presse, lui-même un membre originel des Lucides, parlait du « mouvement Legault-Facal » et ajoutait ceci: « il semble de plus en plus possible que les revenants vont revenir »…

Méchante soirée d’Halloween en perspective cette année au PQ!

Car si cela s’avérait, Mme Marois se demanderait quel péché elle aurait bien pu commettre pour mériter une telle chose au moment où une majorité de Québécois rêvent éveillés au départ de Jean Charest.

Pour le PQ, ce serait un croc-en-jambe majeur parce que venu des « siens ». Ce serait aussi faire une offre de service étonnante à une ADQ moribonde qui n’en demande pas tant. Pour bien des Québécois, ce serait assister à la naissance d’un parti de plus à s’inscrire dans une droite politique montante, ici et ailleurs en Occident.

Tenez. Même Michael Fortier, ex-ministre non élu de Harper et un autre agent libre de la droite, propose justement un référendum obligatoire tous les 15 ans, question de permettre aux souverainistes et fédéralistes, en attendant le prochain, de siéger dans un même gouvernement. Quelle belle coïncidence.

Le fantasme de la mythique « troisième voie »

Ce qui, par un autre hasard, rappelle également un certain Lucien Bouchard qui, en 1991, alors qu’il était chef du Bloc, avait tenté en vain d’amener un certain Claude Béland, du Mouvement Desjardins, à créer un nouveau parti au Québec. Son but: concurrencer un PQ que M. Bouchard jugeait trop « radical »… (voir le 3e tome de la biographie de Jacques Parizeau par Pierre Duchesne, pages 191-196.)

Aujourd’hui, il y a légère nuance. Chez ces ex-ministres péquistes de droite, on semble aussi y voir l’occasion de faire autre chose « en attendant » le Grand Soir…

Comme l’expression revient sans cesse et de plus en plus, je les ai donc baptisés les « en-attendantistes ».

Ce qui rappelle tout autant l' »approche » du même Lucien Bouchard en 1996. Alors premier ministre, il mettait l’option du PQ en veilleuse au nom d’un « déficit zéro » qu’il disait justement vouloir réaliser « en attendant » ses « conditions gagnantes » auxquelles, tenez donc, il n’allait pourtant jamais vraiment travailler.

C’est aussi ce qu’avait fait Pierre-Marc Johnson, un autre « en-attendantiste » convaincu. C’est même pas mal ce que le PQ a continué de faire après M. Bouchard en disant attendre, cette fois-ci, l' »assurance morale de gagner » avant de tenir un référendum.

Et donc, avec le temps, ces diverses formules « en-attendantistes » auront contribué à nourrir l’idée d’une souveraineté de moins en moins « réalisable » sans une victoire gagnée d’avance. Ce qui, pourtant, est un non-sens en démocratie. Et d’autant plus si l’on considère les moyens démesurés dont dispose le Canada en campagne référendaire.

Résultat: les sondages montrent depuis quelques années qu’une majorité de Québécois voient la souveraineté comme faisable, mais pensent de moins en moins qu’elle se réalisera un jour. C’est que la philosophie « en-attendantiste » a un petit côté contagieux…

Au point où on se demande même pourquoi d’ex-ministres péquistes voudraient créer un deuxième parti « en-attendantiste » en plus du PQ? À moins que le but ne soit simplement d’affaiblir ce dernier au moment où son retour au pouvoir devient possible.

Or, il se peut aussi que ce nouveau mouvement ou groupe de réflexion, sûrement armé, lui aussi, de son petit manifeste, serve surtout à faire circuler encore plus certaines idées dites autonomistes et conservatrices « en attendant » la suite des choses au Québec.

Auquel cas, tout cela ferait plutôt penser à un exercice de positionnement d’éventuels aspirants à la succession de Mme Marois au cas où elle devait échouer à prendre le pouvoir ou encore, à le conserver par la suite. Une autre forme d' »en-attendantisme » qui risque en effet de pousser quelques ambitieux hors-PQ à commencer à se positionner, discrètement ou non.

Car si Facal & Legault le font à droite, d’autres, à l’opposé, se moussent comme des gardiens born again de la social-démocratie, de l’indépendance et de l’Identité avec un « i » majuscule…

Mais attendons la suite des choses avant de conclure. Qui sait? Elle pourrait être surprenante.

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