BloguesJulien Day

Elle est pour quand, cette minute de silence ?

C’est une vraie question, pas désintéressée du tout, parce que ce silence, qu’on observe généralement en mémoire des victimes, et bien il profiterait probablement à beaucoup plus de gens que ceux directement touchés par la tragédie de Lac-Mégantic.

Imaginez une minute sans titre de chronique à la mords-moi le noeud, par exemple: « Un train de questions ». C’est ainsi que Vincent Marissal a nommé sa chronique de ce matin, une chronique quand même plus intelligente que ce à quoi on nous habitue depuis le drame, soulignons-le. Les jeux de mots à deux sous, nous pourrons penser à les enligner lorsque les filets de fumée au-dessus des décombres se seront complètement dissipés.

Les tis-clins en mal de sensationnalisme ou en déficit de raison s’emportent sur Youtube  ou Facebook à cause de la présence (ou de l’absence) de tel ou telle politicien/politicienne devant tel ou tel drapeau dans tel ou tel point de presse. Certes, tout ce cheap cirque politique donne mal au coeur, mais les critiques, majoritairement partisanes, ont la fâcheuse tendance d’évacuer tout forme de critique de l’électoralisme en général et par conséquent, de quelconque pertinence.

Que dire de tous ces insoupçonnés experts du transport de matière fossile qu’on croyait seulement capables d’intérêt envers Daniel Brière et le CH il n’y a même pas une semaine, qui aujourd’hui affirment avec certitude que les pipelines sont moins dangereux que les trains, ou vice-versa ?

J’ai cette bizarre impression d’être ignare, depuis deux jours. Parce qu’en bout de ligne, tout ce que je sais, c’est que les déversements de pétrole sont des catastrophes écologiques et que l’explosion d’un train rempli de pétrole en plein milieu d’une petite ville peut résulter en un drame humain d’une ampleur sidérante. Aucune idée de ce qui est plus sécuritaire, à court, moyen ou long terme, entre un pipeline ou un train, mais j’ai aussi cette étrange conviction que la majorité des gens qui sont convaincus de le savoir, à peine 48 heures après la catastrophe sont soit de purs imbéciles ou simplement des représentants d’une idéologie quelconque. Bien sûr, l’un n’empêche pas l’autre.

Et ce deuxième train dont je ne sais absolument rien mis-à-part les observations plus ou moins substantielles d’un vidéaste amateur probablement touché par la tragédie… Ne vous méprenez pas, peut-être est-ce un acte tout à fait irresponsable de la compagnie ferroviaire, je n’en serais guère surpris, mais serait-il plus sage d’attendre d’avoir un peu plus de détails sur l’aspect sécuritaire ou non de la chose avant de sauter les plombs ?

Je donne peut-être l’impression de jouer au Socrate 2.0 ici, mais ce n’est pas le cas. Je suis profondément en ca***e que cette substance, en grande partie responsable non seulement de plusieurs autres catastrophes de ce genre, mais aussi des émissions de GES qui selon la communauté scientifique internationale nous placent aujourd’hui à la croisée des chemins, soit mêlée à une telle tragédie. Une substance dont, rappelons-le, nous pourrions nous passer dans bien des cas en la remplaçant par des énergies plus vertes.

Aussi profondément dégoûté par ces vautours de la politique électorale qui posent devant les kodaks tout en accusant leurs semblables d’être des vautours qui posent devant les kodaks. Haut-le-coeur aussi devant ces chroniqueurs qui sautent sur l’occasion pour nous rappeler qu’un pipeline, c’est plus doux. Et la honte lorsque souverainistes et nationaleux de tout acabit profitent de tout cela pour nous rappeler que le pétrole, c’est plus canadian que québécois.

Par contre, avant de sauter tête première dans le boucan chaotique des accusations et des pseudos-solutions lancées à la va-vite par des pseudos-experts, je crois sincèrement qu’une minute de silence ferait un bien immense, non seulement aux familles des victimes et aux nombreux sinistrés, mais aussi à nous, peuple choyé d’un pays développé qui sommes, que nous le voulions ou non, un peu complices de ce genre de catastrophe et du spectacle politique désolant qui s’ensuit.

Par respect pour les victimes, mais surtout par espoir de tirer les conclusions pertinentes qui s’imposent, accordons-nous ce luxe: nos yeules, ne serait-ce qu’une minute.