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Meanbean Records – L’autre niveau

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D’aussi loin que je puisse me souvenir, Bean (de son vrai nom, Martin) a toujours été une sorte de grande encyclopédie du punk et de ses dérivés. Tsé le genre de gars dans un party qui se rue sur le système de son parce qu’il tient ab-so-lu-ment à te faire découvrir « le meilleur band de punk cambodgien».

Récemment, Bean a amené sa passion à un autre niveau et a fondé Meanbean Records, un label qui se concentre sur la réédition de vieux bands aussi obscurs que distortionnés. Encore rien de cambodgien, mais le premier disque qu’il vient de lancer, une réédition du 45 tours du groupe montréalais The Wipers, est déjà distribué au Japon…Rencontre avec un crinqué qui a une table tournante pluguée dans les veines.

***

Moi: Comment en es-tu venu à vouloir lancer ton label?

Bean: Ça doit faire 10 ans que j’ai ca en tête. Au début, je voulais «faire» des nouveaux bands, mais au fil des années, j’en suis venu à ne pratiquement p’us écouter de nouveaux bands. J’étais plus intéressé par des labels qui faisaient des rééditions de vieux bands, comme Sing Sing, Ugly Pop ou Cheap Rewards.

Il y a aussi un déclic qui s’est fait quand j’ai lu le livre Perfect Youth de Sam Sutherland. Ça parle de bands underground – surtout punk – du Canada. Le livre est divisé par provinces et il y a un chapitre sur le Québec, mais il me semblait incomplet. Je me disais qu’il devait ben y avoir d’autres bands que les 222s!

Mais j’ai vraiment allumé quand j’ai écouté les émissions de radio de Pascal Pilote où il faisait jouer plein de bands obscurs new wave, punk et rock des années 70 et 80 du Québec [ndlr: intitulées L’envers du new wave québécois, ces émissions ont été diffusées à CIBL dans le cadre d’une autre émission, Mondo P.Q.]

Malgré tout, il me manquait le coup de pied au cul et je savais pas comment m’embarquer la-dedans. Michel, de Death Vault Records [basé à Trois-Rivières], m’a poussé et m’a offert un coup de main. C’est lui qui a trouvé les coordonnées de Pierre Véronneau [leader des Wipers].

Pourquoi ce groupe en particulier?

Dans le lot de disques de cette époque [fin 70, début 80], c’est vraiment l’un des meilleurs. En plus, j’avais les contacts et c’était un band du Québec. C’était un bon début, je me voyais mal approcher un band des States dès le départ…

Comment a réagi Pierre Véronneau quand tu lui as parlé du projet? Ça faisait quand même près de 35 ans que le disque avait été lancé…

Il était super intéressé, mais surtout surpris… Y a embarqué assez vite pis il a rapidement convaincu les autres membres du bands d’embarquer à leur tour.

Justement, dans le processus, il était particulièrement crinqué et il a entre autre envoyé une tonne de photos dont quelques-unes assez compromettantes [ndlr: ça, je le sais parce que c’est moi qui était en charge de la conception de la pochette]. En plus, la réédition va même mener à une reformation des Wipers!

Oui, c’est fou! D’autres avaient essayés avant moi de faire reformer le groupe, mais sans succès. J’imagine que le fait d’avoir un disque entre les mains, ça donne une raison concrète de rejouer…

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Artéfact des Wipers daté d’août 1980

Les Wipers, c’est le premier groupe d’un certain Patrick Bourgeois [Les B.B.]. Est-ce que ça a été un incitatif à ressortir le disque?

Pas du tout! En fait, quand j’ai connu les Wipers, je savais pas qu’il était dans le band. Je l’ai su plus tard quand un gars m’a envoyé un extrait des Enfants de la télé avec Patrick Bourgeois et où on a présenté un extrait des Wipers. J’ai trouvé ça drôle, mais avant d’être le premier band de ce gars-là, les Wipers étaient vraiment un bon band.

Le deuxième disque qui sera réédité est un 45 tours des Chemicals cet automne, un groupe montréalais, sorti en 1985. Pourquoi ton choix s’est arrêté sur eux?

Quand j’ai entendu une chanson à l’émission de Pascal Pilote, elle m’est restée dans la tête pendant une semaine. Il fallait que je la sorte! Donc, on a regardé les crédits sur le center label du disque et on a simplement cherché dans le bottin le numéro du gars qui avait écrit la chanson [ndlr: le gars en question s’appelle Robert Dancik, maudite chance que c’était pas un p’tit Tremblay].

Et de son côté, comment a été la réaction?

Je l’ai appelé un dimanche matin et il devait y avoir un brunch ou quelque chose du genre. Quand j’ai demandé à lui parler, la personne qui a répondu a dit que Robert était occupé, mais quand j’ai mentionné les Chemicals, il y a eu un silence et la personne m’a demandé de garder la ligne. Finalement, lui non plus’a pas été dur à convaincre [rire]

Dans son cas, je crois qu’il avait particulièrement passé à autre chose. Il est devenu un homme d’affaires à l’international ou quelque chose du genre…

Oui, mais il a continué à faire de la musique malgré tout et il gardait ses master tapes dans le sous-sol…D’ailleurs, il a encore en sa possession plusieurs chansons qui n’ont jamais été endisquées.

Ça pourrait paraître un jour sur Meanbean?

Oui, j’aimerais ça, mais il joue de prudence. Il doit vouloir que je fasse mes preuves avant [rire]

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Martin «Bean» et Robert Dancik lors de la signature du contrat

Donc, Meanbean, c’est pas juste une histoire de réédition?

Ah non! Je suis aussi ouvert au matériel inédit de vieux bands.

D’ailleurs. qu’est-ce qu’on retrouve chez ces vieux bands et pas chez les nouveaux?

Le son, premièrement. Aussi, le coté historique me parle beaucoup. Aller aux sources et découvrir les précurseurs de certains styles; des bands qui sont passés inaperçus, c’est le fun à retrouver!

Comme je disais, ça cadre mieux avec ce que j’écoute comme musique. Je vais p’us dans les shows de bands locaux récents. Je dis pas que c’est la meilleure approche à avoir – il faut encourager la scène locale – c’est juste que je suis rendu grincheux. Avec 2 kids, oublie ça les petits bands un mercredi soir! [rire]

D’un autre côté, des rééditions, ça me permet de rêver et de me dire que je vais peut-être pouvoir rééditer un jour un disque que j’ai toujours voulu mais que je suis incapable de mettre la main dessus parce qu’il est trop rare ou trop cher!

En prévente, environ les 100 premières copies des Wipers ont été achetées en Europe et en Asie. Assez surprenant!

Oui pis non. Souvent, les tripeux de trucs de même se tiennent au courant de ce qui se passe ailleurs dans le monde. Les collectionneurs sont au courant que les Wipers existent. En plus, je me suis bâti un réseau de contacts au fil des années et ça m’a aidé.

Plusieurs de ces premières copies ont pris la direction du Japon. Maxime Desharnais, de Sonic Avenues, m’avait déjà confié qu’une bonne partie des copies de leur deuxième disque avait été vendues là-bas. Toi qui est déjà allé au Japon, comment expliques-tu le phénomène?

Les Japonais sont vraiiiiment fanatiques. Tu rentres dans un magasin au Japon et c’est hallucinant. Il y en a un particulier, Time Bomb à Osaka. Je suis rentré là et j’en bavais. Il y avait un mur rempli de toutes les copies originales que j’avais toujours rêvé d’avoir!

C’est étrange. J’ai l’impression que ce n’est pas réciproque. On voit très peu de disques de groupes japonais ici…

Ah ben ça, t’as pas vu chez nous! [rire]

Des labels comme Pirate Press rééditent des classiques punk, mais sur du vinyle de toutes sortes de couleurs et de motifs. Ce n’est pas une approche qui t’intéresse. Pourquoi?

Moi, honnêtement, je laisserait tout ça noir.[rire] Je fais un label de réédition et je veux respecter l’esprit de l’époque. C’est sûr qu’il y avait quelques vinyles de couleur dans le temps, mais c’était la marge. Être un gars de Cock Sparrer et voir un vinyle réédité avec des motifs de camouflage, ça n’aurait pas passé! [rire] Je veux quand même sortir quelques copies couleur disponibles uniquement auprès de moi. C’est une façon de rentabiliser les investissements…

2014-08-15 07.11.54Hors des standards Meanbean: Réédition camouflage de l’album Shock Troops de Cock Sparrer

Après les Wipers et les Chemicals, tu as d’autres groupes québécois que tu veux rééditer?

Oui, je suis sur le cas d’un autre vieux band montréalais, mais je veux garder ça secret pour l’instant. Sinon, il  y a le premier 45 tours des 222s que j’aimerais sortir…

Tu veux te concentrer uniquement sur le Québec?

C’est sûr que non. Selon moi, après 4-5 disques, je vais pas mal avoir fait le tour de ce qui m’intéresse vraiment. Mais tsé, je peux toujours découvrir des choses entre temps. Je veux pas non plus rééditer un disque que tu peux encore trouver facilement à 10$. Il y a un band de Toronto en particulier que je voudrais faire, les Hi-Fi’s. Saut qu’il y a des membres de Blue Rodeo là-dedans, donc ça risque d’être problématique…Sinon, j’aimerais bien sortir des obscurités d’ABBA [rire]

[rdlr: Il rit, mais il niaise pas. Bean est l’un des plus grands fans d’ABBA du monde. SVP, ne lui fournissez pas le numéro de l’un des membres. On sait pas où ça pourrait mener…]

Page Facebook de Meanbean Records
Pour acheter les disques de Meanbean Records

Photo en en-tête: Marianne Jolicoeur
Photo de Cock Sparrer: moi
Autres photos: Facebook