Journal intime : Journal intime Ouvre de chair et métonymies
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Journal intime : Journal intime Ouvre de chair et métonymies

De Nicole Brossard

Le moins qu’on puisse dire, c’est que la romancière, poète et essayiste Nicole Brossard n’est pas une adepte de la confession. Répondant tout de même à une commande de la radio de Radio-Canada, durant l’hiver 83, elle a accepté de rédiger son Journal intime pendant deux mois. En voici la réédition augmentée de courts textes en prose, Ouvre de chair et métonymies, où la poète explore principalement ses rapports avec sa fille et avec la maternité. Non convaincue du sens de la démarche, elle déclare d’entrée de jeu: «Je n’ai jamais eu de journal intime. Tout au plus, trois cahiers noirs dans lesquels j’inscris une fois ou deux par année un quelque chose qui me permet de vérifier que j’existe encore.»

De ces notes semées au fil des ans et de ses voyages, elle tirera donc des extraits mettant en relief le passage du temps sur les choses intimes de la vie, l’amour, la solitude et, bien sûr, la création, l’écriture qui donne sens à son existence de femme et d’écrivaine. Ses réflexions sur le tissage permanent de la réalité et de l’écrit, qui suit, tente de reproduire le déroulement de la pensée, son processus, atteignent parfois la justesse de la poésie: «La réalité est une longue réponse qui n’en finit plus de s’étaler sous nos yeux comme un texte suscitant toutes les questions qu’on peut imaginer.»

Nicole Brossard livre donc un journal personnel plus près de la réflexion et de l’émotion, où amours, amitiés et rencontres font un lien avec la beauté du monde dans sa fragilité, que de l’anecdote. C’est à une éthique de l’écriture, de la vie, qu’elle nous convie en rejetant le concept même de journal intime: «Pour qui n’est pas bavarde de nature, écrit-elle, le journal, c’est le fin fond du tiroir de l’existence. Cela je l’ai toujours su et c’est pourquoi j’ai toujours fui les lieux, les moments et les livres où l’on confie, où l’on confesse le peu qu’il nous reste, je veux dire l’essentiel, comme une bombe à retardement. Il faut être insensé pour confier l’essentiel à quelqu’un ailleurs que dans un poème. Même dans la plus grande intimité, on n’a pas le droit de sortir ses fonds de tiroir.»

A travers l’évocation de souvenirs de voyages, de sensations, de lectures, l’écrivaine réussit à transmettre avec générosité ce qui pour elle est essentiel. Et la poète n’a pu s’empêcher d’y ajouter quelques vers: «Le poème est la certitude / qui me représente / parures d’éclat vertige / élémentales vouloir encore». L’ultime parole, le dernier mot. Éd. Les herbes rouges, 1998, 114 p.