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Un sourire blindé : Chaque automne semble désormais amener son nouveau SERGIO KOKIS. Un sourire blindé, le dernier-né du Carosse Carosse atroce

Chaque automne semble désormais amener son nouveau SERGIO KOKIS. Un sourire blindé, le dernier-né du prolifique auteur, plonge dans la dure réalité de l’enfance mise à mal. Un docudrame percutant, mais moins maîtrisé que ses précédents  romans.

Cuvée 1998 d’une production annuelle qui ne tarit pas depuis la parution du Pavillon des miroirs, en 94, le plus récent cru de Sergio Kokis est arrivé: Un sourire blindé, qui trempe un peu dans le même sang de voyou que les quatre précédents romans.

A la différence des précédents titres, dans lesquels des personnages vivaient et parlaient en particulier du Brésil natal de l’auteur, le nouveau roman est ancré au Québec, et parle de sujets qui paraîtront, bien sûr, terriblement réels au lecteur d’ici: la difficile adaptation des nouveaux immigrants, les mauvais traitements dont sont couramment victimes les enfants, et la prise en charge par l’État de jeunes mineurs.

Kokis a vraisemblablement puisé dans son expérience de psychologue à l’hôpital Sainte-Justine, où il a travaillé pendant une vingtaine d’années, pour écrire ce texte au contenu fort percutant, mais qu’on pourra trouver moins fignolé que les autres. Comme s’il s’était éloigné de son chevalet de peintre, voire même distancié de son pupitre de romancier qui jongle avec le temps, la structure narrative et la métaphore. Kokis semble avoir voulu enchaîner les événements au plus pressé, nous mener le plus simplement possible jusqu’au bout d’une certaine horreur. L’histoire capte facilement l’attention en relatant, sur une période d’un an et demi, la vie du petit Conrado, âgé de quatre ans. Elle nous plonge dans une expérience dont on craint qu’elle soit relativement courante parmi les biographies qui s’empilent au bureau du directeur de la Jeunesse.

Arrivé à Montréal en provenance de Santo Domingo avec père et mère, pour être abandonné tantôt au bombardement de la télévision, tantôt à des scènes réelles d’une violence extrême, Conrado sera bientôt entraîné «dans la course cahotante d’enfants en orbite». Des acteurs se succèdent que l’on ne se surprend pas de retrouver: une mère parfaitement démunie parce qu’elle ne connaît ni la langue ni les us du pays, un père de plus en plus absent, puis toute une trâlée de travailleuses sociales (alias «les Francine»), qui s’ingénieront à placer l’enfant au hasard des cases vides de l’échiquier social, dans des familles d’accueil beaucoup plus empressées à encaisser leur allocation et à peloter le petit nouveau qu’à lui prodiguer les soins parentaux les plus élémentaires. Prenant les grands moyens pour éliminer un de ces parents débiles, Conrado atterrira un jour à l’hôpital psychiatrique, puis, à cinq ans, en prison, où il semblera plus que jamais résolu à ne plus parler, ne plus rien ressentir, ne plus rien vivre en dehors de ses images mentales, des scènes d’émissions pour enfants qui vireront de plus en plus en cauchemars.

Si Kokis parvient une fois encore à décrire patiemment la configuration intérieure d’un personnage, on a assez régulièrement l’impression, dans Un sourire blindé, que le point de vue du narrateur n’est pas bien arrêté, qu’il oscille entre le discours naïf de l’enfant et le discours explicatif du thérapeute.

Le traitement romanesque s’est perdu quelque part, sans doute dans la réalité, plaçant ce dernier Kokis un peu plus près du documentaire.

Un sourire blindé
de Sergio Kokis
XYZ éditeur,
1998, 257 pages