Le Flambant nu : Le Flambant nuDe Claude Péloquin
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Le Flambant nu : Le Flambant nuDe Claude Péloquin

Poète et/ou clown de l’espace public, Claude Péloquin – auteur du célèbre «Vous êtes pas écourés de mourir, bande de caves? C’est assez!», inscrit sur la murale du Grand Théâtre de Québec, et de la chanson Lindbergh – a tout de même publié vingt-cinq livres depuis 1963. Provocateur-né, agitateur inspiré, il a réuni, sous le titre Le Flambant nu, les anecdotes les plus scabreuses de son existence. Coups pendables, beuveries et baises mémorables, fantasmes de bigamie et souvenirs de pipi-caca composent le menu et sont relatés dans une langue crue, sans apprêt. On en reste pantois, non pas scandalisé par un propos révolutionnaire, mais plutôt décontenancé par le vide de sens, de substance, de ces pages.

Il y a quelque chose d’admirable à oser vivre la bohème, à se foutre des convenances dans la liberté la plus totale. On en rêve tous un jour; Péloquin, lui, le fait. Soit. Mais quel égocentrisme, quel nombrilisme dans l’étalage de ces petites histoires dont on n’a franchement pas grand-chose à faire. D’autant plus que le poète donne l’impression de se foutre surtout, la plupart du temps, des gens qu’il croise. Il faudra se rendre aux trois quarts du livre, à l’évocation de son ami Georges Brassard, fondateur d’insectariums, puis de Jordi Bonet, le sculpteur complice, pour sentir un peu d’empathie pour ses semblables.

«Je ne peux rien faire pour mes frères humains. Voilà ma foi et ma désole. Voilà la pourriture de l’impuissance», écrit-il, avant de poursuivre un peu plus loin: «Comment se fait-il qu’on ne se regarde plus dans les yeux? Ç’aurait été ça la solution, mais nous n’avons plus d’yeux. Nous n’avons que des cours qui pompent et qui pompent. Et on en a peur, là, à quelques centimètres. On préfère ne pas penser à tous ces viscères que l’on traîne jusqu’à la tombe, comme un enfant maussade et violent, ses jouets.»

L’enfant terrible devra-t-il refaire ses devoirs? En tout cas, ses frasques d’enfant gâté ne le rendent pas sympathique d’emblée. Il faudrait sentir, au-delà du désir de provocation gratuite, un peu plus ce qui le fait écrire, et le sens pour lui de l’aventure humaine. Quant à l’éditeur, on peut se demander ce qui l’a séduit là-dedans. Le soufre du scandale? Où est le vrai scandale? La maison Actes Sud, qui coédite au compte-gouttes les auteurs québécois, devrait feuilleter à deux fois le catalogue de Leméac, où sont répertoriés des écrivains, romanciers notamment, autrement intéressants… Éd. Leméac / Actes Sud, 1998, 128 p.