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Pierre Billon : Horreur sur la personne

PIERRE BILLON, auteur et scénariste, publie un sixième roman, Un bâillement du diable. Malgré son titre peu engageant, ce thriller pourrait vous réveiller sec, et compter parmi les bonnes surprises de la rentrée.

«Ce roman en est un de femmes», affirme Pierre Billon au sujet de son sixième roman, Un bâillement du diable. «La sensibilité féminine me paraissait être un meilleur instrument pour analyser le thème principal de l’histoire: la souffrance humaine comme objet de spectacle», précise l’auteur-scénariste.

En effet, les destins des trois héroïnes du récit vont se croiser lors d’une enquête conjointe de la GRC et de la Casus Belli, une unité d’élite de la police italienne, pour mettre au jour un réseau international de production et de trafic de «Snuv», nom de code pour snuff video. Les Snuv sont l’horreur absolue; sous l’oil d’une caméra, des victimes sans défense sont mises à mort, et l’enregistrement de leur agonie se vend, en copie unique, à des prix exorbitants. Ainsi, Un bâillement du diable met en scène Kiersten McMillan, première inspectrice à la Gendarmerie royale du Canada, Lydia Frescobaldi, avocate et membre de la Casus Belli, et Laurence Descombes, médecin au sein de l’organisme humanitaire français Harmonices Mundi. Cette dernière, après avoir été retenue en otage pendant cinq ans au Farghestan, a de la difficulté à reprendre le cours de sa vie et se retrouvera à Malte, parmi les membres d’une secte religieuse.

Dès les premières pages, on est emporté par ce thriller psychologique et scientifique nous menant aux quatre coins du globe, jusque dans l’antre de la secte de l’Église de l’Alliance Universelle, soupçonnée d’être à l’origine du trafic de Snuv. «Mon précédent roman, L’Ultime Alliance (1990), porte sur la conscience collective, la lumière, l’amour, l’intelligence, etc. Dans celui-ci, j’ai décidé d’explorer le mal, même si les personnages, par leur personnalité et leur sensibilité, sont très attachants, raconte l’auteur qui a mis cinq ans pour écrire le livre. Comme pour tous mes romans, j’ai fait beaucoup de recherche, notamment sur le phénomène des Snuv, les sectes religieuses et les nouvelles technologies.» Résultat: une histoire collant à la réalité, à l’actualité. Impossible de ne pas songer à l’Ordre du Temple Solaire, ou a Wacco, lorsque la GRC et la Casus Belli tentent d’empêcher la diffusion de la Cinquième Révélation de l’Alliance Universelle. Elle aurait pour conséquence le suicide collectif de milliers d’adeptes de la secte à travers le monde!

Grâce à son souci du détail, à ses descriptions claires et précises, on sent que derrière l’écrivain se trouvent le journaliste et le scénariste. En effet, tout en occupant divers postes au ministère des Communications à Ottawa, Billon a écrit pour L’actualité, Cité libre, Radio-Canada, le Toronto Star, etc. Sans compter les nombreux scénarios de films qui ont vu le jour à l’écran; Cortex (1997), L’Enfant des Appalaches (1996), En danger de vie (1995), pour n’en nommer que quelques-uns. «Selon moi, c’est plus difficile d’écrire un roman qu’un scénario de film, car, dans le livre, il y a tous ces détails qu’on ne retrouvera pas sur l’écran, à cause des contraintes monétaires ou de temps», explique celui qui se considère avant tout comme un romancier. Cela dit, il est conscient qu’Un bâillement du diable ferait un très bon film. «Mais pas à tout prix, car il serait facile de mettre l’accent sur les aspects sensationnalistes de l’histoire. Or, dans le livre, je m’arrête avant d’entrer dans les détails scabreux.» Car, sans vouloir se faire moralisateur, Pierre Billon ne cache pas que l’utilisation de la souffrance humaine comme objet de spectacle, ça le gêne beaucoup…

Un bâillement du diable,
de Pierre Billon
Ed. Stock,
1998, 415 pages