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Éclats de femmesDominique Blondeau : Féminin pluriel

Le quatorzième livre de Dominique Blondeau montre un homme qui atteint l’âge des bilans, et voit remonter, des eaux de la mémoire, les fragments de femmes qu’il a aimées.
Celle qui a remporté le prix France-Québec, en 1986, pour le roman Un homme foudroyé, poursuit avec Éclats de femmes son exploration des lieux de l’esprit où le souvenir sommeille, les zones d’où le passé resSurgit de temps à autre pour infléchir l’avenir, souvent sans crier gare.

Le roman prend la forme d’un journal, celui de Sébastien Bastien, illustrateur de son métier, qui jette sur le monde et sur sa propre vie le regard désabusé de qui a trop vu, trop vécu, trop aimé. Homme à femmes, insatiable et peu enclin à la fidélité, Bastien oscille entre le souvenir d’Érica et celui de Noémie, toutes deux emportées par la mort. Deux femmes qui le hantent, jour après jour. Les a-t-il aimées?

Il croit pour sa part qu’il ne s’agissait pas de cela, mais de ces liens mystérieux que la vie tisse entre les humains qui longtemps se frôlent. «S’il y avait de l’amour en moi, je me tairais. Des mots, il y en aura toujours pour bavarder d’abondance. Mais l’amour?»

Au centre de ce livre, la mort met les êtres en relief et redonne leur juste importance aux choses. «C’est après leur mort que je suis allé de l’une à l’autre, sans risquer de les confondre. De me confondre. J’ai assez erré dans mes propres plaisirs lorsqu’elles vivaient, dans l’impertinence, comme on s’attribue le monde à vingt ans.»

Animé par de très curieuses lubies _ Bastien visite des appartements, non pour s’y installer, mais pour y observer le quotidien des locataires actuels _ il marche sur les traces de ses passions, qui elles, demeurent bien vivantes. Long parcours, alors que s’installe un étrange triangle amoureux posthume. Parcours indéterminé, ponctué de vastes questions: «Les êtres et les choses sur lesquels on pose des questions ont-ils encore leur importance au moment où l’interrogation survient?»

Le souvenir est un spectre têtu, qui s’infiltre dans la moindre anfractuosité, mais la passion sait renaître de ses cendres, et notre homme va bientôt se laisser entraîner de nouveau dans les mouvements du cour. Suffit pour cela qu’une inconnue emménage dans le même immeuble que lui…

Dominique Blondeau a une aptitude particulière à dégager les mécanismes de la mémoire. Son roman, qui ressasse des concepts déjà exploités, n’en dégage pas moins une émotion crue et une grande intelligence du sentiment. L’écriture, sensible et précise, est partout servie par une rigueur qui n’empêche pas la fantaisie. Émouvant.

Éclats de femme
de Dominique Blonbeau
Éd. de la Pleine Lune, 1999, 156 p.