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Le Jardin, notre double : Sagesse et Déraison

Le récent engouement pour le jardinage et les vertus du sarclage a dépassé le banlieusard et le citadin, pour piquer la curiosité des chercheurs: «Sociologues et anthropologues révèlent ce qui nous lie si fortement à lui: chercher ses racines, vouloir s’évader du réel, montrer sa puissance ou encore cultiver sa différence.» En fait, un jardin peut être sauvage, sophistiqué, cultivé, abandonné, ordonné. Si nous rêvons tous aux plus beaux jardins du monde, Pierre Sansot et Annie Pilon ont étudié, dans La Part maudite, le côté caché des espaces verts: «Le jardin public est-il vraiment une clairière de quiétude dans la jungle urbaine? Rien n’est moins sûr. Ramené au sauvage par la nuit qui le rend angoissant, investi par des populations marginales – exclus, homosexuels – qui s’inventent une société parallèle (…), il n’échappe pas à la violence, comme si la nature prenait sa revanche sur notre obsession de l’ordre.» Symbole de l’interdit, il est lieu de péchés, gardien de secrets et témoin d’amours et de haines.

Présent tant dans la mythologie païenne que religieuse, le jardin est à la source de croyances et de peurs, mais inspire aussi les plus grands poètes et les rois, qui, tous, se reconnaissent dans l’abondance et la beauté. Invitant tantôt à la méditation, tantôt à l’amour, le jardin est devenu Terre promise (troisième partie de l’ouvrage), et nous la conjuguons, à notre époque, avec les mêmes sentiments, de «sagesse» et de «déraison».

Comme l’indique Monique Posser dans Le XXIe siècle sera jardinier, la modernisation (voire la modernité, mais soyons modestes) a modifié notre vision de la terre, particulièrement depuis que nous avons vu la planète depuis l’espace; nous avons «pris conscience physiquement de sa finitude».

Voyage à travers la littérature, la philosophie, donc, à travers le temps, cet ouvrage nous fait voir le jardin comme on ne l’a jamais vu. On ne plante plus ses géraniums de la même manière quand on a lu ces pages étonnantes, un peu savantes, soit, mais ô combien fascinantes. Éd. Autrement, 1999, 295 p.