Les Amis de Pancho VillaJames Carlos Blake : De sang-froid
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Les Amis de Pancho VillaJames Carlos Blake : De sang-froid

Le premier roman de JAMES CARLOS BLAKE traduit en français, Les Amis de Pancho Villa, est loin d’être folklorique même s’il évoque les tribulations d’un groupuscule révolutionnaire du début du siècle. Quand un sombrero vole, c’est qu’on a décapité celui qui le portait. Olé! À chaque époque son Kosovo…

La guerre, de tout temps, a été un sujet brûlant d’actualité. Et elle est devenue, avec la démesure des médias, le spectacle le plus percutant offert sur le marché des émotions fortes de l’humanité. Bien qu’on essaie de nous faire comprendre l’origine des litiges qui la provoquent, on reste souvent perplexe quant à la légitimité qui motive les camps en présence. Mais on ne peut demeurer insensible devant la cruauté qu’elle engendre. Toutes nations et cultures confondues.
L’homme ne serait donc qu’une bête parmi les autres, qui se livre allègrement à la barbarie de la loi du plus fort. Et les idéaux qu’il défend ne sont que des prétextes en or pour justifier les pires atrocités qu’il commet. Voilà la morale universelle, et toujours très contemporaine, qui se dégage de ce roman qui relate, pourtant, les faits d’armes d’une bande de révolutionnaires dans le Mexique du début du vingtième siècle. On est loin des plages d’Acapulco, et beaucoup plus près des charniers du Kosovo. Anachronisme ou errance géographique?

De guerre lasse
Bien que les revendications des zapatistes soient parvenues jusqu’à nous dernièrement, on ignore souvent leur histoire. Sans vraiment faire la genèse de ce conflit, la trame du roman de James Carlos Blake nous instruit sur l’histoire du Mexique. Surtout, et c’est là sa force, ce récit brutal nous aide à comprendre le comportement dément de quiconque se bat pour voir vaincre sa révolution. Et pour qui la violence peut vite devenir un mode de vie des plus excitants. «La Révolution s’était montrée plus prodigue que nous n’avions pu l’imaginer, plus généreuse pour nous que nos rêves eux-mêmes… (…) Mais le meilleur de tout, c’est que la Révolution nous avait offert un genre de liberté dont la plupart des hommes ne font que rêver, la plus précieuse de toutes les libertés: la liberté de tuer nos ennemis, de tuer les salauds qui avaient rendu nos vies misérables… (…) Après avoir éprouvé ce genre de liberté, comment pouvions-nous à présent retourner sous la coupe de faibles imbéciles parfumés?»

Afin de libérer le peuple mexicain du joug imposé par ses dirigeants corrompus, des cellules rebelles mènent une guérilla d’abord nourrie de bonnes intentions. Au sud de Mexico, les troupes de Zapata revendiquent leurs terres, et l’actualité récente nous a démontré que le combat persistait. Au nord, les amis de Pancho Villa luttent pour la démocratie et la liberté, mais leurs principes sont vite supplantés par le plaisir barbare de tuer.

En nous entraînant au cour d’une brigade de brigands qui constitue l’armée du héros révolutionnaire Pancho Villa, Blake, qui a grandi au Mexique et se passionne pour l’histoire de ce pays, nous dépeint les horreurs d’une guerre à mains nues, sans gros canons, où l’objectif premier est d’exterminer l’ennemi. Âmes sensibles, soyez avisées, ça va saigner.

Dans cette boucherie ambulante qui traverse les déserts, les montagnes et les villes, les chefs de bandes se comportent comme des rock stars; et le bon peuple les adule, les vénère. Les femmes les courtisent, les désirent. Ce sont des héros plus grands que nature, mais du genre de nature sauvage qui détruit tout sur son passage.

La plus grande qualité de ce roman, qui mélange fiction et événements historiques, est de nous planter en plein cour de la parade. On fait partie des troupes, on soigne les estropiés, on assassine les traîtres. On a la ferme impression de participer au spectacle de l’absurdité meurtrière qui contamine l’être humain quand la liberté de vivre devient celle de tuer.

On sort de ce livre convaincu qu’on vient de se mettre le doigt dans la plaie. On peut être choqué, ou encore frappé par une bien sombre illumination: celle, irrationnelle, qui dissipe nos incompréhensions devant les multiples conflits armés qui sévissent sur la planète. Non pas pour qu’on les tolère, mais plutôt pour qu’on s’explique mieux pourquoi tous ces bordels dégénèrent.

Les Amis de Pancho Villa
de James Carlos Blake
Éd. Rivages Thriller, 1999
255 p.