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Nos choix

Comme la trace de l’oiseau dans l’air

d’Hector Bianciotti
Pour une troisième fois, Hector Bianciotti, critique littéraire au Monde, écrivain primé, retourne sur les traces de son passé. Comme la trace de l’oiseau dans l’air est le numéro trois d’une autobiographie amorcée avec Ce que la nuit raconte au jour et Le Pas si lent de l’amour. Dans ce récit mélancolique, où «l’exact se mêle au songe», ce Français d’adoption, né en Argentine de paysans piémontais, renoue contact avec sa famille et avec Buenos Aires, après plus de 25 ans d’absence. Entre autres rencontres, Bianciotti y exhume les figures de l’écrivain Hervé Guibert et du grand Borges. Éd. Grasset (M. L.)

Éloge de la diversité sexuelle
De Michel Dorais
Les travaux de recherches et réflexions sur l’identité sexuelle sont légion dans le monde anglo-saxon. Il était plus que temps que le Québec débatte également de la question des changements de mentalités et de comportements qui sont en train de modifier à jamais notre perception des hommes et des femmes. Michel Dorais compte parmi les chercheurs les plus actifs dans ce domaine, lui qui en est à son dixième ouvrage, qui publie des tonnes d’articles scientifiques dans de nombreuses revues, qui enseigne, prononce des conférences, et a fini par devenir une véritable référence en la matière. Il lancera bientôt un pavé dans la mare, puisqu’il ose défier nos idées sur le féminin et le masculin, nous qui nous croyons si libérés. En effet, pourquoi la société tient-elle tant à séparer le féminin du masculin? Après tout, ce n’est que question de point de vue! Hommes et femmes sont-ils si différents? Si vous voulez mon avis, ce sera LE débat de l’avenir, rien de moins. Éd. VLB/ septembre (P. N.)

Les Émois d’un marchand de café
d’Yves Beauchemin
Bonne nouvelle pour les fans d’Yves Beauchemin: l’écrivain fait désormais languir ses lecteurs moins longtemps d’une parution à l’autre… Trois ans à peine après Le Second Violon, le doué conteur nous revient avec cette histoire d’un homme de 59 ans, riche et apparemment comblé, qui réexamine sa vie à la faveur d’événements qui s’annonçaient pourtant banals. Estimant qu’il est passé à côté de l’essentiel, Guillaume Tranchemontagne se lance dans une quête de rédemption qui le conduira jusque dans le Grand Nord québécois et le mènera à d’étonnantes rencontres. À la stupeur de ses proches, que cette «révolution du bien» inquiète et qui concluent que leur cher Guillaume est un peu tombé sur la tête… Au menu: humour, émotion et moult péripéties «inattendues», le tout lié par une quête de la bonté et du pardon. Éd. Québec Amérique / octobre (M. L.)

L’Évangile selon Sabbitha
de David Homel
Sabbitha est une belle et jeune femme: tous les habitants du village d’Ebenezer la repoussent de peur de céder à de coupables désirs. Elle se moque bien d’eux, et, après la mort de ses parents, quitte son village avec un vieux colporteur juif, Nathan Gazzara, qui la prend pour le Messie. Les fugitifs prêcheront la bonne nouvelle tout le long de leur parcours, et connaîtront des aventures épiques. Revisitant la mythologie biblique (et ses images sacrées comme la traversée du désert), David Homel (Il pleut des rats, Un singe à Moscou) se permet des pirouettes qui promettent d’être réjouissantes. L’écrivain iconoclaste trace le portrait d’une Amérique coincée et tordue, toujours en quête d’idoles, sur le ton sarcastique auquel il nous a habitués depuis Orages électriques. Éd. Leméac / septembre (P. N.)

L’Homme des silences
de Christiane Duchesne
Christiane Duchesne a l’habitude des jeunes lecteurs, puisqu’elle leur destine des romans depuis plusieurs années. Elle en sera cet automne à son second roman pour adultes: L’Homme des silences. Cet homme, abîmé en mer, parcourt les eaux de la planète depuis son naufrage. Son âme erre, du Pacifique à l’Atlantique, à la recherche de sa femme, et du bonheur de sa fille devenue grande, et qu’il avait laissée, bébé, dans les bras de Pauline. Cette incursion dans un registre surnaturel, quasi mystique, est tout à fait dans le ton des productions littéraires de l’année qui vient. Au cour de ce second roman: la filiation, l’éternel. Beau programme, non? Éd. Boréal / septembre (P. N.)

Il était une fois une ville
de Pierre Samson
Le Messie de Bélem, un roman complexe, dense, intense, inaugurait en 1996 une trilogie que l’on qualifie de «brésilienne», puisque le Brésil est au cour de l’ouvre. Mais il n’y a pas que ça dans l’univers de l’écrivain: il y a les passions, les désirs, l’exploration des limites de chacun des héros. Après Un garçon de compagnie, second roman paru en 1997, et en lice pour le Prix du Gouverneur général en 1998, Pierre Samson clôt son cycle avec ce troisième livre. Le romancier montréalais (qui s’est exilé à Toronto quelque temps avant de revenir s’installer ici) a réellement su faire vivre ce pays imaginé dans toute sa profusion, sa richesse, ses noirceurs aussi. Il brode ici autour de la ville de Ouro Prêto, que découvrira Roberto de Nascimento, à travers ses interdits, sa déchéance. Éd. Herbes rouges / septembre (P. N.)

Les Inventés
de Jean Pierre Girard
En quatre recueils (notamment Espaces à occuper, Haïr?), Jean Pierre Girard a amplement fait preuve de sa grande maestria de la nouvelle. C’est dire que son premier roman est fort attendu. S’annonçant comme l’amorce, complexe et touffue, d’un cycle de huit romans (!), Les Inventés s’attache à la quête identitaire de François Jutras, alias Frenkie, un jetseteur toujours entre deux avions, qui s’est construit un personnage sur une fêlure. S’adressant, parfois en termes très durs, à sa mère, notre héros revoit son passé, notamment la mort mystérieuse de son père, avalé par une moissonneuse-batteuse… Et toujours le style mordant qui fait la marque de Girard. L’instant même / octobre (M. L.)

Le Maître de jeu
de Sergio Kokis
C’est maintenant une tradition de l’automne: on attend le dernier roman du prolifique Sergio Kokis, devenu un incontournable des lettres québécoises. Le Kokis nouveau déconcertera pourtant peut-être les fans: l’auteur de L’Art du maquillage y plonge dans les domaines de l’éthique et de la théologie. Son héros est un pasteur et prof d’université qui plaque tout après une profonde crise religieuse. S’intéressant au sort d’un prisonnier politique victime de torture, il entame bientôt un dialogue sur les grandes questions existentielles avec un ami qui est peut-être Dieu lui-même… L’éditeur nous annonce une ouvre à «contre-courant des productions récentes», où la réflexion et les échanges prennent le pas sur l’action. Intrigant. Éd. XYZ / fin octobre (M. L.)

Oslo
de Bertrand Gervais
Après nous avoir donné un recueil de nouvelles l’an dernier, son premier ouvrage de fiction (Tessons), Betrand Gervais plonge cette fois dans le roman. Professeur de littérature à l’UQAM, détenteur d’un doctorat en littérature et d’un autre en sémiologie, cet écrivain aux activités intellectuelles pour le moins pointues (il dirige un groupe de recherche sur l’«imaginaire») a publié plusieurs essais sur la littérature. Oslo, comme Tessons, nous plonge d’emblée dans un monde étrange, comme en témoignent les premières pages du roman. Que peut-il arriver à un homme qui, rentré d’exil à Montréal, décide d’habiter dans l’ancien Palais des nains laissé à l’abandon, rue Rachel? Gervais nous a habitués à des ambiances insolites, et à un traitement tout en finesse de l’écriture. On a très hâte… Éd. XYZ / fin septembre (P. N.)

Stanley Kubrick
de John Baxter
Mort au printemps, Stanley Kubrick aura laissé derrière lui une fascinante ouvre posthume (Eyes Wide Shut), une filmographie aussi remarquable qu’atypique… et une réputation mystérieuse d’homme secret, qui quittait rarement la ferme retirée où il protégait son intimité. Tous éléments qui ne peuvent que rendre sa biographie alléchante. Le journaliste et écrivain John Baxter – auteur de bios de Buñuel et de Fellini – «raconte tout», assure-t-on: les conflits du cinéaste ultra-perfectionniste avec ses associés et ses stars, ses rêves, ses problèmes conjugaux et amicaux, son rapport avec l’argent et le pouvoir… En espérant qu’on en saura un peu plus sur le processus créatif de ce très grand du septième art. Éd. du Seuil / septembre (M. ¬L.)

Sur la scène comme au ciel
de Jean Rouaud
Depuis Les Champs d’honneur, prix Goncourt surprise en 1990, Jean Rouaud poursuit à travers son ouvre célébrée une véritable entreprise autobiographique, racontant son enfance, faisant revivre les membres de sa famille. L’ancien vendeur de journaux signe ici son sixième roman. On sait encore peu de choses de Sur la scène comme au ciel, sinon qu’il s’agit d’un livre consacré à sa mère, dont les lecteurs de Rouaud ont déjà fait la connaissance dans Pour vos cadeaux. Ce qu’on sait en tout cas, et qui ne se dément pas d’une ouvre à l’autre, c’est que l’écrivain français est un conteur formidable, un styliste merveilleux. Éd. de Minuit / octobre (M. L.)

Tous ces mondes en elle
de Neil bissoondath
Très attendu, ce nouveau roman de l’écrivain québécois Neil Bissoondath, déjà salué de l’autre côté de l’Atlantique. L’héroïne de Tous ces mondes en elle, Yasmine, revient dans sa Caraïbe natale pour y répandre les cendres de sa mère. Un retour qui suscite de l’inquiétude chez la quadragénaire, qui s’y sent désormais étrangère, elle qui a planté ses racines dans le pays nordique où vit son mari. Incertaine quant à son couple, Yasmine se verra révéler un secret concernant sa mère. Questionnement sur l’appartenance, réflexion sur la série de «hasards et de malentendus» qui tissent nos vies, le roman brasse les thèmes, profondément actuels, qui font la singularité de l’ouvre de Bissoondath, de Retour à Casaquemada à Arracher les montagnes. Éd. Boréal / septembre (M. L.)