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James Salter : Une vie à brûler

Véritable légende vivante, à 75 ans, l’écrivain américain James Salter n’a pourtant pas à son actif des tonnes de bouquins. Or, voici que l’ancien pilote de guerre, reconverti en scénariste et romancier, fait paraître son autobiographie, intitulée simplement Une vie à brûler.

Véritable légende vivante, à 75 ans, l’écrivain américain James Salter n’a pourtant pas à son actif des tonnes de bouquins. Il a suffi pour le consacrer de quelques titres, des romans exceptionnels comme Un sport et un passe-temps et Un bonheur parfait, chefs-d’oeuvre d’élégance dans lesquels se concentre l’essence de la vie: ses plaisirs, son ennui, le temps qui passe et broie peu à peu les êtres. Or, voici que l’ancien pilote de guerre de l’US Air Force, reconverti en scénariste et romancier, dont on connaît aussi en français un recueil de nouvelles, American Express, fait paraître son autobiographie, intitulée simplement Une vie à brûler. Parcours d’un siècle agité.

Venu au monde durant une nuit caniculaire traversée d’orages, en juin 1925, enfant unique, Salter a grandi à New York. Il se remémore ses premières amitiés, des conversations d’adultes, les vacances d’été à la mer, son éducation sexuelle, puis son entrée déterminante à l’académie militaire de West Point. Il y passera des années de formation, puis entrera dans l’armée de l’air, ira faire la guerre en Corée. Étape cruciale de son existence, l’école militaire est pour lui une source inépuisable de souvenirs, d’anecdotes, des camarades connus et disparus, du dur apprentissage. «West Point ne faisait pas le caractère, elle l’exaltait, écrit-il. Elle enseignait à croire en la difficulté, à payer de sa personne, et à dormir, dirons-nous, à la dure. Devoir, honneur, patrie. Les grandes vertus étaient gravées dans la pierre au-dessus des entrées et dans l’or des bagues de promotion, non pas les vertus classiques, ni en fait des vertus du tout, mais bien des ordres.»

Toutes ses histoires d’avions, d’armes, d’officiers passionneront sans doute les amateurs, mais pour qui s’est d’abord entiché de ses romans, il y a peu à tirer de la première moitié d’Une vie à brûler. Le plus intéressant vient à partir du moment où Salter abandonne l’armée pour se consacrer à l’écriture, de romans et de scénarios. Encore là, peu de passages sur le travail d’écriture à proprement parler. L’écrivain y va plutôt des souvenirs de ses innombrables voyages autour du monde, en particulier en Europe, en France dont il sera un amoureux passionné, en Italie, puis en Asie. «Ce qu’elle m’a donné, finalement, c’est une éducation, dit-il à propos de l’Europe. Rien de scolaire mais quelque chose de plus élevé, une vue de l’existence: comment cultiver les loisirs, l’amour, les plaisirs de la table, l’art de la conversation; comment regarder la nudité, l’architecture, les rues, chacune nouvelle et cherchant à être appréhendée d’une façon différente.»

Au fil de ses souvenirs, James Salter évoque des rencontres avec des tas de gens célèbres, écrivains, actrices, producteurs: de Jack Kerouac à Nabokov, en passant par Graham Green, Robert Redford, Vanessa Redgrave, et tant d’autres. Toujours avec retenue, une certaine pudeur qui lui fait parler davantage des autres que de lui-même, c’est finalement le style de Salter qui séduit, sa façon de dire sans insister, laissant deviner. Une grande plume à découvrir par ses romans avant tout. Traduit de l’américain par Philippe Garnier, Éd. de l’Olivier, 1999, 448 p.