Brian Jacques : La Révolte de Tempête – Mariel, tome 1
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Brian Jacques : La Révolte de Tempête – Mariel, tome 1

Cette grande saga pour la gent trotte-menue offre la promesse de belles heures de lecture, à en perdre la notion du temps, pour les enfants de dix ans à treize ans (à trente et quelque, on est captivé, c’est vous dire!).

Voici la promesse de belles heures de lecture, à en perdre la notion du temps, pour les enfants de dix ans à treize ans (à trente et quelque, on est captivé, c’est vous dire!). À l’abbaye de Rougemuraille, à l’orée de la forêt de Mousseray, vit en harmonie une communauté de souris, hérissons, taupes et autres petits mammifères. Ces héros à poil et à pattes accueillent une jeune souricelle, égarée et amnésique, sans mémoire du geste assassin qui l’a jetée à la mer en pleine tempête. Lorsqu’elle s’est retrouvée sur le rivage, miraculeusement sauve, elle a pris ce nom de Tempête, à l’image de la révolte qui l’anime. Ce qu’elle ignore, c’est que son ennemi mortel menace l’existence paisible de tous les habitants du pays: il s’agit du cruel Kamoul le Sauvage qui règne sur l’île de Terramort, chef des rats de mer, pirate sanguinaire. Les habitants de la contrée de Mousseray n’en ont pas fini avec lui, puisqu’il donne son nom au tome 2 de Mariel, quatrième partie de Rougemuraille.
L’auteur de cette grande saga pour la gent trotte-menue, Brian Jacques, est né à Liverpool. Tour à tour docker, chanteur folk, comédien, dramaturge, conducteur de poids lourds, poète, il se lance dans l’aventure de Rougemuraille en 1986. Le foisonnement de la vie professionnelle de l’homme ressemble à celui de son oeuvre, puisque les aventures de Rougemuraille se déploient à travers cinq romans (Cluny le Fléau, Martin le Guerrier, Mattiméo, Mariel et Solaris), chacun divisé en trois ou quatre tomes! (De plus, la télévision en présente l’adaptation en dessin animé.) C’est rudement bien écrit, coloré, drôle, et ça vous transporte… On ne voit guère comment les jeunes lecteurs pourraient y résister. Le souffle se maintient-il d’un volume à l’autre? À vue de nez, après un «feuilletage» consciencieux (tout de même), il semble peu problable que la veine se tarisse tant l’univers imaginé par Brian Jacques est riche de pistes romanesques, d’attachants personnages à museau et d’enjeux épiques!
Cespetits animaux comptent le temps en saisons, mais que cela ne nous égare pas dans l’Histoire: c’est une société médiévale, ou peut-être renaissante, que nous dépeint l’auteur, sur les navires ou à l’abbaye. Il s’agit d’un monde parfaitement organisé, aux oppositions tranchées: belliqueux ou pacifiques, pilleurs ou travailleurs appréciant la dolce vita, goinfres carnivores ou fins gourmets adeptes d’une nourriture saine issue de la terre… Côté gastronomie, les pages regorgent d’ailleurs de descriptions savoureuses, l’art de vivre à Rougemuraille et sa bonne chère étant légendaires: «Creuse-en-chef avait le museau enfoui dans une part de gâteau aux myrtilles. La bouche pleine de sa pâtisserie préférée, il s’exprimait dans le langage plutôt rustique des taupes. – Peuchèrre, y a rrien de parreil au gâteau à la myrrtille, ça, c’est sûrr. J’pourrions en manger de c’gâteau jusqu’à la Saint-Taupin… Et en vouloir encorre aprrès.»
Mais si l’auteur a recours à un joyeux manichéisme, propre au merveilleux, il se révèle tout à fait moderne en déjouant les stéréotypes: l’héroïne est une demoiselle souris courageuse, combative, orgueilleuse de surcroît. Et puis, n’y a-t-il pas un plaisir certain à cotôyer des méchants dignes de ce nom? «Il n’y avait jamais eu par toutes les mers et par tous les océans l’équivalent de Kamoul le Sauvage. D’énormes anneaux d’or pendaient à ses oreilles; ses crocs (qu’il avait perdus depuis longtemps dans un rude combat) étaient remplacés par des canines d’or acérées, chacune d’elles sertie d’une émeraude éclatante. Sous ses étranges yeux jaunes injectés de sang, une énorme barbe sombre […]»
Les romans nous parviennent dans une traduction soignée; la langue, élégante, colorée, riche, et le style vif, très imagé, pallieront une action un peu lente, et les lecteurs seront happés dans ce monde, dont ils n’émergeront que lorsqu’on les y obligera.
Éd. Mango Jeunesse, 1999, 188 p.