Et si c'était vrai – Marc Lévy : Fantôme d'amour
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Et si c’était vrai – Marc Lévy : Fantôme d’amour

Disons-le d’emblée: vous entendrez partout que les droits de ce roman, avant même d’être publié, ONT ÉTÉ VENDUS À STEVEN SPIELBERG. Tant mieux pour l’auteur, Marc Lévy, qui en était à son premier essai quand la manne est tombée: mais cela en fait-il pour autant un bon roman?

Disons-le d’emblée: vous entendrez partout que les droits de ce roman, avant même d’être publié, ONT ÉTÉ VENDUS À STEVEN SPIELBERG. Tant mieux pour l’auteur, Marc Lévy, qui en était à son premier essai quand la manne est tombée: mais cela en fait-il pour autant un bon roman? Et pourquoi nous présente-t-on le livre comme un futur film avant que nous puissions même lire une histoire, des personnages, une écriture?
En tous les cas, ce livre (déjà vendu dans plus de vingt pays) est effectivement avant tout une bonne histoire, un bon scénario. Nous sommes en Californie. Un jeune architecte, célibataire, trouve un beau jour, dans le placard de sa salle de bain, une jeune femme. E.T. s’est transformé en princesse, et celle-ci hantera désormais l’existence d’Arthur, qui tombera évidemment amoureux d’elle.
Mais qui est cette jeune femme, et que fait-elle dans ce placard? Elle s’appelle Lauren Kline, est médecin, a eu un accident de voiture auquel nous assistons au second chapitre. «Virage serré dans Sutter Street. Bruit et cliquetis dans la direction. Descente abrupte vers Union Square, il est six heures trente, la platine cassette déroule une musique lue à tue-tête, Lauren est heureuse, comme elle ne l’a pas été depuis fort longtemps. Chassés le stress, l’hôpital, les obligations. Un week-end tout à elle s’annonce, et il n’y a pas une minute à perdre.»
Et, la pauvre, se retrouve dans le coma. Toute? Non! Son âme résiste toujours à l’envahisseur. Et c’est elle qui se tapit dans le placard d’Arthur, locataire de son ancien appartement, le seul endroit au monde où Lauren pouvait revenir.
Les médecins ne s’expliquent pas comment leur collègue peut rester dans le coma sans l’aide de machines, et la gardent «en vie» en attendant qu’elle se réveille un jour. Mais la médecine coûte cher aux États-Unis, et il faudra bien se résigner à prendre une décision. C’est la maman de Lauren qui devra trancher, elle qui désespère de voir presque morte sa fille si belle, si jeune.
Mais ce que tout le monde igore, c’est que Lauren s’offre la plus belle histoire d’amour de sa vie, avec Arthur, qui ne supportera pas de voir sa belle emportée par la mesquinerie d’un système de santé injuste. Ne vendons pas la mèche, mais disons qu’il s’organisera pour que Lauren ait encore une chance de s’en sortir.
Le roman de Marc Lévy est écrit dans une langue vivante, très imagée, dont on voit instantanément tout le potentiel cinématographique: les scènes sont très découpées, les personnages, clairs et définis, et – ce qui est plus troublant – on voit quasiment les acteurs à la place des mots.
Arthur aura du mal à croire au fantôme de Lauren, qu’il est le seul à voir. Elle usera de toute sa sincérité et de quelques subterfuges pour qu’il comprenne que tout ça n’est pas une mauvaise blague de Paul, son associé: elle est vraiment «vivante», et tout doit être tenté pour qu’elle sorte de son coma.
Marc Lévy nous invite à croire à l’impossible, à la survie de l’âme, à un monde parallèle, au pouvoir de la pensée, de l’amour. Et notre monde a besoin de se faire dire, parfois, que l’invisible est plus fort que la matière: à l’image de ces lettres qu’a léguées Lili, la maman d’Arthur, à son fils, pour qu’il les lise des années plus tard, et dans lesquelles il trouvera les clés de mystères restés irrésolus pendant vingt ans.
Le roman de Lévy n’est pas «littéraire», de prime abord, quoique très construit et solidement ficelé. Pas de style fouillé, ni de recherche formelle. Mais la littérature n’est pas que le style. Si l’on se rappelle aujourd’hui des contes de notre enfance, des mythes grecs ou des polars de Gaston Leroux, c’est surtout par la force de leur récit, de l’écho qu’ils font résonner en nous. C’est à ces récits, pleins de vie, qu’appartient ce roman.

Et si c’était vrai
de Marc Lévy
Éd. Robert Laffont, 2000, 268 p.