Patrick Raynal : Le Marionnettiste
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Patrick Raynal : Le Marionnettiste

Répondant à l’invitation d’Andrea H. Japp, auteure de romans policiers et directrice de la collection Noires Racines aux éditions du Masque, Patrick Raynal a accepté de se mettre dans la peau d’un tueur. En racontant le parcours de Giordano, il n’est pas loin de faire de son meurtrier une  victime…

À Nice, dans les années quatre-vingt, un prisonnier condamné pour plusieurs meurtres entreprend d’écrire le roman de sa vie. De sa naissance à la maternité de l’hôpital Saint-Roch à son enfance choyée, passée entre une mère très belle et très réservée, et un papa héros, militant au parti communiste. Du choc de la naissance d’une soeur qui lui ravit son poste de centre du monde à la germination lente d’une jalousie qui mûrit en haine.

De la découverte du pouvoir que lui confèrent son charme et sa beauté jusqu’aux premières relations amoureuses, aux études brillantes et aux fréquentations douteuses. Sans oublier le premier meurtre raciste, à seize ans, début d’une longue liste de crimes sordides. «Ce n’est pas si facile que ça d’être un salaud, constate Giordano, penché sur son cahier d’écolier. Il y faut de la persévérance, une attention de tous les jours à scruter en soi ce qu’il y a de pire et à s’y conformer.» Et surtout, un malin mélange de prédispositions et de hasards malheureux, qui vous font croiser la mauvaise personne, au mauvais moment.

Répondant à l’invitation d’Andrea H. Japp, auteure de romans policiers et directrice de la collection Noires Racines aux éditions du Masque, Patrick Raynal a accepté de se mettre dans la peau d’un tueur. Expert du genre noir (Raynal a signé des dizaines de polars, en a critiqué une multitude dans diverses publications dont Le Monde, et dirige la prestigieuse Série Noire), il n’en était pas pour autant prédisposé à ourdir une intrigue du point de vue du coupable. En racontant le parcours de Giordano – déformation professionnelle? – , il n’est pas loin de faire de son meurtrier une victime. La victime d’une extrême droite qui infiltre jusqu’aux membres de la police. En effet, c’est pour échapper à la condamnation à la suite de son premier meurtre que Giordano, qui n’a rien d’un Le Pen, devient la marionnette d’un policier xénophobe et de l’obscure organisation dont celui-ci fait partie. Et c’est pour mettre au jour cette organisation qu’il écrit son autobiographie, sachant très bien que ses aveux lui coûteront la vie.
Si Patrick Raynal ne réussit pas tout à fait à nous faire croire à la métamorphose de ce beau jeune homme amoureux des livres, diablement intelligent, qui devient machine à tuer, l’histoire qu’il nous tricote est solide, pas une maille ne s’en échappe. Et la langue de Raynal, cette espèce d’argot de haute voltige, sertie de métaphores réjouissantes, est absolument savoureuse. Éd. Le Masque, collection Noires Racines, 1999, 243 p.