Étienne Lalonde : C'est encore la guerre
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Étienne Lalonde : C’est encore la guerre

Né à Montréal en 1979, Étienne Lalonde explore des zones visitées par Denis Vanier, et fait entendre, dans son premier livre, C’est encore la guerre, une de ces voix qui clament fort un refus des règles.

Nombreux sont les jeunes poètes de la relève qui se réclament de l’influence du poète radical et marginal Denis Vanier. Urbanité, violence des images et formules-chocs, où la mort, le corps et Dieu se côtoient, fondent des textes qui disent une autre vision du monde.
Né à Montréal en 1979, Étienne Lalonde, qui, sans s’y référer directement, explore des zones visitées par le maître Vanier, fait entendre, dans son premier livre, C’est encore la guerre, une de ces voix qui clament fort un refus des règles en des mots lapidaires.
Voix neuve, prometteuse, d’une gravité quelque peu rébarbative mais stimulante. L’éditeur prévient, en quatrième de couverture: «Pour Étienne Lalonde, la poésie, vieille pudeur, n’existe plus. Seule importe la parole de première nécessité.» Et le poète lui-même déclare d’emblée, dans le premier texte du recueil: «Je suis de peine celui qui sait en rire, / droit et immobile parmi vos carcasses molles, / moi et moi seul, petit plieur / qui épelle ses guerres comme d’autres les miracles. / Une pleine chair trahie pendue à toutes lèvres.»
Court mais composé de textes denses où les mots semblent se condenser en des images surprenantes dont le sens échappe parfois, le recueil est divisé en trois sections intitulées «Au commencement», «Dieu debout» et «Mentir». La dimension charnelle de l’être s’y conjugue à la recherche d’une spiritualité contrariée, ou hypothétique: «Je crois en l’Éternel, ses dents cariées, / comme le jeteur prend peur aux reflets de sa croix. / Poésie (toutes heures passées) temps perdu / à chercher un crochet, un fruit, une chair en silence, / le corps offrant son vêtement / et Dieu par certains jours gris.»
Disant n’attendre qu’une chose, «une tragédie, les tragédies m’apaisent», le jeune poète montre un univers thématique cohérent, d’un radicalisme étonnant, qui culmine dans le tout dernier poème du recueil: «Petit Christ blond / se déclare en état de guerre totale, / creusant ses mâchoires d’herbe / pour quelques os / qu’on ne donneait pas aux chiens. / Comprenez bien que mon motif – c’est la haine / et que la guerre ne fait que commencer.» Promesse d’une suite, audace et exigence, C’est encore la guerre place Étienne Lalonde au front de la poésie future. Éd. Les Herbes rouges, 1999, 60 p.