Andrée Laberge : Les Oiseaux de verre
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Andrée Laberge : Les Oiseaux de verre

Chercheure au Centre de santé publique de Québec, Andrée Laberge livre un premier roman dense sur la dépendance affective et les blessures infligées par l’abandon parental. Les Oiseaux de verre est aussi un roman d’amour à trois voix, où plusieurs narrateurs anonymes alternent pour prendre le relais du récit.

Les Oiseaux de verre
d’Andrée Laberge
A priori, une maîtrise en service social et un doctorat en épidémiologie ne préparent pas à l’écriture romanesque, mais disons que ça donne peut-être une certaine connaissance des souffrances humaines… Chercheure au Centre de santé publique de Québec, Andrée Laberge livre un premier roman dense sur la dépendance affective et les blessures infligées par l’abandon parental. Les Oiseaux de verre est aussi un roman d’amour à trois voix, où plusieurs narrateurs anonymes alternent pour prendre le relais du récit.
Au centre de l’histoire: une femme qui n’en finit pas de rejouer, avec les amants de passage qu’elle accumule, l’abandon qu’elle a vécu, enfant. On comprend d’ailleurs bientôt que la petite narratrice dont l’émouvante voix se fait entendre tout au long du récit n’est autre qu’elle-même: cette fillette fragile et imaginative qu’elle a été, affamée de chaleur et d’amour, pour qui «le poids de la gravité de la vie» était trop lourd.
Un amour inconditionnel qu’un homme lui offre aujourd’hui, avec patience et obstination. Lui-même cache un secret douloureux, au-delà de toute rédemption, et qui fait écho, en quelque sorte, à son histoire à elle. La quatrième voix, plus en retrait, est celle d’une amie qui aime passionnément cette femme depuis l’enfance, toujours prête à accourir combler son vide, sans espérer grand-chose en retour: «(…) j’ai compris que j’étais le témoin dont elle avait besoin, l’observatrice des liens qu’elle établissait et brisait aussitôt, pour se convaincre qu’il ne pouvait en être autrement, et la preuve vivante que l’attachement ne pouvait conduire qu’à la souffrance, qu’à l’autodestruction.»
Chargé, le roman flirte dangereusement avec le mélo et le psychologisme (la femme abandonnée cherchant son père chez ses amants, additionnant les plaies fraîches dans l’espoir de faire disparaître la «blessure originelle»…), et à la fin, il y succombe d’ailleurs avec maladresse. Mais l’histoire reste prenante. Surtout le rcit de la fillette, avec sa façon amusante et poignante de nommer les choses, mélange de candeur d’un imaginaire enfantin et de réflexion grave (elle puise beaucoup de métaphores dans la nature); son touchant désir de se rapprocher d’une mère distante – toujours désignée par le pronom «elle» – qui ne la comprend pas et qu’elle étouffe par son besoin d’attention.
Assez habilement construit, d’une écriture sensible, collée aux émotions, Les Oiseaux de verre réussit généralement à nous happer dans cet univers, à faire vivre des personnages à qui l’auteure ne donne pas de prénom (sinon à une poupée, ce qui finira par acquérir une signification particulière), mais des voix tangibles et prenantes. Éd. La Courte échelle, 2000, 192 p.