Pierre Tourangeau : La Dot de la Mère Missel
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Pierre Tourangeau : La Dot de la Mère Missel

Larry Volt est de retour, ce héros cynique et débraillé dont nous avions fait la connaissance, en 1998, dans les pages du premier roman de Pierre Tourangeau (Larry Volt, Éd. XYZ). Le revoici donc, toujours aussi prompt à se fourrer le nez dans les affaires des autres – les jupes des filles comme les stratagèmes du recteur de l’Université de Montréal. Ce nouvel épisode, intitulé La Dot de la Mère Missel, a pour décor un campus des années 70, une faune étudiante où germent çà et là des groupuscules maoïstes et trotskistes.

La Dot de la Mère Missel
de Pierre Tourangeau
Larry Volt est de retour, ce héros cynique et débraillé dont nous avions fait la connaissance, en 1998, dans les pages du premier roman de Pierre Tourangeau (Larry Volt, Éd. XYZ). Le revoici donc, toujours aussi prompt à se fourrer le nez dans les affaires des autres – les jupes des filles comme les stratagèmes du recteur de l’Université de Montréal.
Ce nouvel épisode, intitulé La Dot de la Mère Missel, a pour décor un campus des années 70, une faune étudiante où germent çà et là des groupuscules maoïstes et trotskistes. Par une manoeuvre proche du putsch, Larry Volt prend la direction de Services Univers, la coop responsable du journal étudiant, des machines distributrices et du bar de l’université. Il se met ainsi à dos les marxistes du campus, qui comptaient prendre en main les affaires et y appliquer leur conception de la gestion. L’énigmatique reine Mao en tête, ceux-ci donneront du fil à retordre au coloré Larry.
Entre autres alliés, ce dernier s’assure les services de la Mère Missel, une repentie de l’alcool qui tient un kiosque à journaux dans les rues de la ville. Bonté incarnée, bien qu’un brin siphonnée, la Mère Missel jouera un rôle important dans la croisade de Larry.
Les intrigues se trament à travers les vapeurs d’alcool et les fumées illicites, qui engourdissent de temps en temps les luttes de pouvoir.
Tableau d’époque autant que quête intérieure, ce roman est avant tout le portrait d’un jeune homme lucide, habité par le doute, qui ne trouve son équilibre que dans l’action. «Il faut que je bouge, que je bouge tout le temps, que je fouille, que je m’excite, que je m’occupe le corps pour oublier que l’esprit aussi peut bouger et que, lorsqu’il bouge, en général, c’est qu’il déménage, qu’il part pour des contrées inconnues, des régions sauvages où la main de l’homme n’a jamais mis la queue et dont on revient rarement avec toute sa tête.»
Plein de contradictions, Larry Volt est fort attachant, partagé qu’il st entre ses idéaux philanthropiques et ses crises je-m’en-foutistes. Sans compter son irrépressible penchant pour les demoiselles, qui lui font régulièrement perdre la boule: «Cette souris, il suffisait d’y poser les yeux pour se retrouver au beau milieu d’une orgie romaine ou dans un garden-party chez Hugh Heffner.» Au grand dam de sa Julie, sa «licorne adorée», seule représentante de la gent féminine qui n’incarne pas uniquement, pour lui, une paire de fesses à contempler de plus près.
La langue de Pierre Tourangeau est très inventive, l’auteur se plaisant par exemple à revisiter des expressions établies. À l’excès peut-être. Il peut y avoir quelque chose de racoleur, en effet, à ponctuer chaque paragraphe de «Je marchais sur des oeufs et je voulais éviter que ça vire à l’omelette», ou «du théâtre pour abuser la galerie».
Beaucoup moins BCBG comme écrivain que comme journaliste, Pierre Tourangeau montre en tout cas qu’il a facilement la plume littéraire. Le roman ne fait pas du tout «écrit durant mes temps libres», comme on pouvait le craindre. Même qu’on regrette un peu que le journaliste, aussi habile soit-il, ait si longtemps caché le romancier. Éd. XYZ, 2000, 348 p.