Comix : Livre d'images
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Comix : Livre d’images

Compilant rien de moins que 312 récits réalisés par 324 créateurs de 29 pays, nés entre 1940 et 1982, Comix 2000 est un pavé lancé dans la mare du scepticisme de ceux qui ne croyaient pas à l’aboutissement de l’ambitieux projet de cette «sorte d’anthologie monstrueuse» (d’après les propres mots de l’éditeur) de la bande dessinée contemporaine.

Terminer le millénaire en bandes dessinées? C’est l’invitation on ne peut plus intrigante que nous propose ce gros livre rouge qui a le poids et le volume du Petit Robert et que l’on trouve depuis quelques semaines dans la section BD de toutes les librairies. Un véritable tour du monde illustré, en 2000 pages très exactement.
Compilant rien de moins que 312 récits réalisés par 324 créateurs de 29 pays, nés entre 1940 et 1982, Comix 2000 est un pavé lancé dans la mare du scepticisme de ceux qui ne croyaient pas à l’aboutissement de l’ambitieux projet de cette «sorte d’anthologie monstrueuse» (d’après les propres mots de l’éditeur) de la bande dessinée contemporaine.

Car plutôt que d’apparaître comme une histoire ou une rétrospective d’un siècle de bande dessinée, comme ce fut le cas des multiples ouvrages parus dans la dernière année et commémorant la contribution des arts et des médiums les plus divers au vingtième siècle, Comix 2000 est essentiellement un panorama de la création actuelle. Coordonné par Jean-Christophe Menu, il paraît d’ailleurs à L’Association, maison d’édition française à l’origine du renouvellement de cet art durant la décennie 90 dans la francophonie, avec le genre «bande dessinée d’auteur». C’est L’Association qui a entre autres fait connaître une nouvelle génération, tels les Guy Delisle, David B. et Edmond Baudoin, lesquels se retrouvent évidemment dans Comix 2000.

Toutes les histoires y sont courtes (entre trois et quinze planches chacune), réalisées en noir et blanc et portant sur le thème du XXe siècle, afin d’«éviter les clichés de Science-Fiction liés au mythe de l’An 2000», comme on peut le lire dans la brève introduction traduite en dix langues. Une exigence de l’éditeur voulait également qu’elles soient toutes muettes (les rares bulles retrouvées ne contenant que des onomatopées, des signes de ponctuation et des idéogrammes), permettant ainsi une circulation plus grande du livre. Ce dernier est donc actuellement distribué à traves le monde sans être passé par la dénaturation et le retard de publication qu’apporte plus souvent qu’autrement la traduction. Cette restriction du muet, considérée comme un véritable défi par certains auteurs, a l’avantage de montrer le pouvoir de la bande dessinée comme mode de communication universel. Dépourvu de mots, elle réapprend à «lire».

Une des lignes éditoriales annoncées est le choix subjectif (mais réussi) des productions. À ce sujet, la préface se félicite de ce que «nombre d’auteurs amis, sollicités ou célèbres n’y figurent pas», tandis que «nombre d’auteurs inconnus y figurent, parfois même pour leur première publication». On retrouvera ainsi les techniques les plus diverses: des magnifiques bandes peintes, comme celles de Jan-Willem de Vries (Pays-Bas) et de William Henne (Belgique), aux lavis mélancoliques d’Edmond Baudoin (France) et de Louis Joos (Belgique). Tous les styles de dessin sont également représentés: du minimalisme des personnages allumettes de Maaike Hartjes (Pays-Bas) au néo-hiéroglyphes de Tamir Shefer (Israël).

D’une bande à l’autre, on notera la récurrence de certains «thèmes» ou plutôt de certaines images: la sexualité, la naissance, la mort, la guerre. L’homme y est bestial, et l’animal, sympathique: l’hippopotame de Greg Cook (États-Unis), l’oiseau de Gaëtan Dorémus et de Vincent Vanoli (France); le chat de Maximiliano Luchini (Espagne), de Gunnar Lundkvist (Suède) et de Simon Bossé (Canada).
Livre aussi multiple qu’immense et dont on n’a pas fini de mesurer les répercussions, Comix 2000 est une oeuvre charnière, signalant moins la fin du deuxième millénaire que célébrant l’actuelle renaissance du neuvième art.

Éd. L’Association, 1999, 2000 p.