Pascal Quignard : Terrasse à Rome
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Pascal Quignard : Terrasse à Rome

Pour ceux et celles qui sont des habitués de Quignard, Terrasse à Rome est dans la veine de ses récits historiques. Loin des romans à l’eau de rose, ce livre est littéralement une histoire à l’eau-forte.

Quelques lignes pour donner le ton de l’ouvrage…
«Fournir une raison dévaste l’amour.
Procurer un sens à ce qu’on aime, c’est mentir.
Car aucun être humain n’éprouve d’autre joie que la sensation d’être vivant lorsqu’elle devient intense.
Et il n’y a pas d’autre vie.»
C’est ça, Pascal Quignard: du grand art, mais par petites touches, par petites doses.

Pour ceux et celles qui sont des habitués de Quignard, Terrasse à Rome est dans la veine de ses récits historiques.

Loin des romans à l’eau de rose, ce livre est littéralement une histoire à l’eau-forte. On est à Bruges, au 17e siècle; Meaume est apprenti graveur. Il tombe amoureux d’une jeune femme promise à un autre. Un jour, le fiancé surprend les amants au beau milieu de leurs ébats et jette au visage de Meaume le contenu d’une fiole remplie d’eau-forte: de l’acide dont on se sert pour traiter les plaques de cuivre, utilisé dans le procédé de gravure qu’on appelle… eau-forte. Défiguré, Meaume est abandonné par sa belle; il passera le reste de sa vie à errer de ville en ville et à améliorer sa technique de gravure.

Le tout nous est raconté tandis que Meaume réside et travaille à Rome, où son atelier occupe une terrasse (d’où le titre du livre). Ce récit est ponctué de descriptions de certains des dessins qu’il grave à cette époque. Quelquefois des images saintes, mais plus souvent des cartes érotiques où, à l’occasion, on devine dans l’ombre un personnage représenté de dos: un autoportrait du dessinateur défiguré. L’ensemble de son oeuvre se caractérise par le détail qu’il apporte à la représentation des sexes, mais aussi des décors sur le fond desquels ils se dressent: des paysages qui lui rappellent qu’«il y a dans ce monde des endroits qui datent de l’origine. Ces espaces sont des instants où le Jadis s’est figé».

Comme c’est toujours le cas avec les textes de Pascal Quignard, ce qui compte ici n’est pas tant ce qui est raconté, mais le ton, le style. Quignard écrit dans une langue incroyabement dépouillée et, de ce fait, superbement impudique. Comme, par exemple, lorsque la jeune femme, qui vient d’être aimée pour la première fois, parle à Meaume de «sa fleur, désormais toujours ouverte, désormais toujours odorante».
La beauté de Terrasse à Rome tient à ce qui fait les plus exquises gravures; tout y relève de la simplicité, de la précision, de la pureté des traits que l’aquafortiste trace de son stylet: de ce qu’il faut bien appeler la perfection du style de Pascal Quignard.

Éd. Gallimard, 2000, 168 p.