Anarchie au Royaume-Uni : Mon équipée sauvage dans l'autre Angleterre
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Anarchie au Royaume-Uni : Mon équipée sauvage dans l’autre Angleterre

On doit à Nik Cohn, journaliste britannique maintenant à la mi-cinquantaine, l’invention d’un style, au début des années 60: la rock critic. C’est un de ses articles, racontant l’histoire d’un jeune garçon de banlieue qui devient, le samedi soir, le roi des discothèques, qui inspirera le film Saturday Night Fever. Il survivra ensuite à une overdose, écrira des romans, avant de revenir sillonner l’Angleterre, pour nous concocter ce grand reportage où les mots valent mille  photos.

On doit à Nik Cohn, journaliste britannique maintenant à la mi-cinquantaine, l’invention d’un style, au début des années 60: la rock critic. En 1968, il signe un livre-culte sur le milieu de la musique en Angleterre, A Wop Bop A Loo Bop A Lop Bam Boom, pour ensuite s’exiler à New York. C’est un de ses articles, racontant l’histoire d’un jeune garçon de banlieue qui devient, le samedi soir, le roi des discothèques, qui inspirera le film Saturday Night Fever. Il survivra ensuite à une overdose, écrira des romans, avant de revenir sillonner l’Angleterre, pour nous concocter ce grand reportage où les mots valent mille photos.

Cohn nous entraîne dans un rallye, escorté par une jeune guide un peu destroy, Mary, roulant de villes en villages, pour rencontrer des marginaux de tous acabits. Et il nous sert une série de portraits brefs, bien ciselés, qui nous racontent la petite histoire de ces exclus qui hantent le royaume. Il en fait des habitants de la «-république-», un pays dans le pays, qui regroupe immigrants, techno-freaks, fétichistes, guérisseurs de la foi, squatteurs et artistes de la rue.

Conçu un peu comme un carnet de bord, ce récit journalistique très subjectif nous fait découvrir de véritables personnages, au coeur de leur habitat naturel. Inutile de préciser que la vie n’y est pas toujours facile. À travers la rage qui les habite, Nik Cohn nous fait voir la passion et l’énergie de l’espoir qui subsistent. Et sa plume, sensible, poétique, nous les rend encore plus attachants.

Quand il quitte le pénitencier où il est allé visiter un jeune artiste incarcéré à cause de ses graffitis, il dépeint la scène: «-Son grand corps plâtreux semble vaciller, inconsistant, dans la lumière fluorescente. Et puis il est englouti dans le flot des hommes qui rentrent vers leurs cellules. Il est comme une bougie qu’on a soufflée, et je retourne au grand air avec un sentiment coupable.-»

Cette enfilade de polaroids compose une mosaïque d’une Angleterre bien différene de celle qu’on a en tête. Et on se surprend à reconnaître là-bas des personnages qu’on croise ici, dans la rue. Comme quoi cette «-république-» parallèle qu’ausculte Nik Cohn est aussi présente chez nous. La mondialisation frappe même la marginalité! Et c’est pourquoi ce reportage totalement ciblé sur l’Angleterre a une dimension universelle, ou à tout le moins occidentale. Du grand journalisme, respectueux de ses sujets sans être naïf, qui nous gobe, nous lecteurs, comme si on y était, comme une mouche…

Éd. de l’Olivier, 2000, 395 p.