Suzanne Bernard : La Béguine
Livres

Suzanne Bernard : La Béguine

La Béguine lève le voile sur un pan méconnu de l’histoire médiévale. Suzanne Bernard, qui a plus d’une fois situé ses romans au Moyen-Âge (La Fin d’Abélard, 1991; Les Époux vierges, 1994), nous donne à lire le journal d’une jeune femme vivant dans le Sud de la France, au XIVe siècle, qui découvre ce que la vie a de beau et d’impitoyable.

La Béguine

lève le voile sur un pan méconnu de l’histoire médiévale. Suzanne Bernard, qui a plus d’une fois situé ses romans au Moyen-Âge (La Fin d’Abélard, 1991; Les Époux vierges, 1994), nous donne à lire le journal d’une jeune femme vivant dans le Sud de la France, au XIVe siècle, qui découvre ce que la vie a de beau et d’impitoyable.
Appartenant à la communauté spirituelle des Béguins, pourchassés par l’Inquisition parce qu’ils osent soutenir les Franciscains Spirituels et ainsi s’opposer aux volontés papales, elle fuit par monts et par vaux, aidée dans son périple par quelques braves gens, dont frère Hugues, un vieux Franciscain austère mais bienveillant. Sa course la mène aux quatre coins du Midi, où plane l’ombre du pape Jean XXII, pape complètement mégalo qui passera à l’histoire pour avoir persécuté des milliers de chrétiens dits hérétiques, mais aussi pour sa soif de pouvoir et de richesses.

Dans le tumulte, la Béguine puise sa force dans les enseignements reçus, et en particulier dans les propos d’une femme nommée Aycelène, qui prône le refus d’obéissance au pape et la fidélité au message de saint François, défenseur d’une Église pauvre. "En l’entendant, chacun se sentait appartenir à la "nouvelle Église des élus", engagé sur la voie de la perfection évangélique et prêt, s’il le fallait, à embrasser le martyre."

En chemin, l’adolescente vivra d’autres déchirements, intimes ceux-là. S’éveillant à la sensualité autant qu’à une vie spirituelle intense, elle verra longtemps les rapports charnels comme un obstacle entre elle et sa foi. Même si elle n’est pas contrainte à la chasteté – les Béguins ne constituent pas une congrégation religieuse -, elle confond concupiscence et impureté. "L’idée d’être déflorée par un homme s’apparentait pour moi à subir un viol. Je ne voulais pas être violée. Je ne voulais pas entrer dans les tribulations, les faiblesses, les jouissances de la chair."

Mais quand elle devra, pour se cacher, vivre sous le même toit que frère Vincent, un jeune Franciscain beau de corps comme d’esprit, la tentation sera forte. La cohabitation donne lieu à des moments d’un érotisme raffiné, entre autres quand la Béguine soigne le prêtre, pris d’une forte fièvre et en proie au délire. En lui prodiguant ses soins, elle verra son inaccessible amoureux dans le plus simple appareil, ne pouvant parfois résister à l’envie de toucher. Pourtant, elle demeure convaincue que leur étreinte ne peut être que spirituelle. "Mon amour pour frère Vincent se nourrit de l’impossibilité même d’aboutir à l’union charnelle. Mon désir de lui se déploie au-delà de l’humain."

On s’attache beaucoup au personnage de la Béguine. En décrivant bien le contexte historique et religieux, l’auteure nous fait vivre et comprendre les craintes naïves de son héroïne, autant que son courage devant la mort.

Avec autant d’érudition que de raffinement stylistique, Suzanne Bernard ouvre les portes d’un univers fascinant, où vie spirituelle rime avec résistance et privation. Un livre important.

Éd. Stock, 2000, 288 p.