Harry Potter et la Coupe de feu : Harry, un ami qui vous veut du bien
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Harry Potter et la Coupe de feu : Harry, un ami qui vous veut du bien

Levez-vous, sortez de la maison, et allez à la librairie la plus proche. Au cas où la nouvelle ait pu échapper à quelques parents: c’est hier que sortait Harry Potter et la Coupe de feu, le quatrième tome des aventures du jeune apprenti sorcier. Et comme les journalistes n’ont pas été gratifiés de leur copie de presse avant le jour J, nous ferons tous les mêmes découvertes en même temps.

Y aura-t-il un cadre suspendu à la porte de la librairie, dans lequel le portrait vivant d’un gardien exigera de nous le mot de passe de la semaine? Et quand nous aurons murmuré le mot, "Pottermania", et que se seront ouvertes les portes de la quatrième dimension de l’univers du petit Potter, combien d’autres Moldus, comme nous, seront déjà sur place, assaillis par les créatures de Joanne K. Rowling? Ici nous serons confrontés à un Épouvantard qui empruntera la forme de notre pire cauchemar; là nous devrons éviter les attaques vicieuses d’un Saule cogneur; plus loin c’est un Détraqueur qui menacera de nous subtiliser rien de moins que notre âme! Mais Harry Potter et ses amis du collège Gryffondor, qui ont déjà eu maille à partir avec ces énergumènes-là, et avec d’autres encore, viendront à notre rescousse avec leur grimoire, leurs baguettes magiques et tous les objets et créatures susceptibles de combattre les forces du mal!

Pourquoi, parents et enfants, sommes-nous tombés comme des mouches sous le charme des Harry Potter? Sans doute parce que l’auteure, sorcière comme peu d’autres, a su mettre dans sa marmite la dose parfaite de chaque ingrédient idéal. D’abord en nous donnant un antihéros, Harry Potter, cet orphelin mal aimé qui a le privilège inusité pour un personnage romanesque de vieillir d’un an par tome. Et en l’entourant d’un tas de personnages irrésistibles. D’une part des êtres que l’on adore détester: comme l’oncle, la tante et le cousin de Harry, ces Moldus (des non-sorciers) parfaitement ploucs. De l’autre, de délicieuses caricatures dans lesquelles il est impossible de ne pas se retrouver: des camarades de classe inséparables mais non à l’abri des bisbilles, un trio de malabars qui se croient plus fins que les autres, et puis la galerie de profs qui sont presque aussi typiques que les sept nains: le distrait, le bon, le scientifique, le cool, etc.

Mais ce qui est peut-être le plus remarquable du travail de l’auteure, c’est qu’elle ait mis dans ses romans juste assez de descriptions et d’explications pour que le lecteur soit confortablement entraîné dans le récit, et juste assez de bizarreries et d’incertitudes pour qu’il soit forcé d’être très vigilant. C’est un cadeau que l’on fait assez rarement aux lecteurs, et d’autant plus rarement aux jeunes lecteurs, que de leur laisser, pour toute la durée d’une histoire, un espace où règnent l’absurdité, l’étrange, et parfois même un non-dit qu’ils ont à compléter d’eux-mêmes. De fait, du moins dans les trois premiers tomes – et tout ce qui a été écrit sur ce nouveau titre lorsqu’en est sortie la version originale anglaise, il y a déjà quelques mois, suggère que ce sera encore le cas -, l’histoire est aussi invitante qu’elle est excitante parce que la tension est constante entre le connu et l’inconnu.

Extrêmement originale, Rowling a maquillé mille situations et expériences somme toute assez ordinaires avec les fards de sa toute singulière palette. Il faut voir la liste d’effets scolaires que doivent se procurer les enfants avant d’entrer à l’école des sorciers. Il faut les voir jouer une partie d’échecs avec des pièces vivantes (bien que ç’ait été déjà fait, si je ne m’abuse, dans un épisode de Star Wars), ou bien entendre la description d’un match de Quidditch, sport national des sorciers qui se joue sur des balais comme "une sorte de basketball à six paniers".

Lisant les Potter, on n’a de cesse de s’emballer parce que l’on reconnaît tout ce dont l’auteure parle, sauf que tout se passe dans une autre galaxie. Et se découvrir un alter ego dans un autre monde, n’est-ce pas là la magie de la littérature? D’autant plus quand notre alter ego est celui qui bouge vite, qui brave tous les dangers, et qui admet ressentir toutes sortes d’émotions, des plus tendres aux plus violentes.

Harry Potter a eu 14 ans hier. Alors allons à sa rencontre. Parce qu’il promet de nous en faire voir de toutes les couleurs.

Harry Potter et la Coupe de feu
Joanne K. Rowling
Éditions Gallimard
2000