François Barcelo : Chiens sales
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François Barcelo : Chiens sales

Le bandeau qui ceinture le troisième polar que l’écrivain québécois François Barcelo livre à la prestigieuse collection Série noire de Gallimard donne le ton. "En France, des poulets. Aux États-Unis, des cochons. Au Québec, des chiens sales." On espère que le prochain flic qui l’interpellera n’aura pas lu son dernier livre!

Le bandeau qui ceinture le troisième polar que l’écrivain québécois François Barcelo livre à la prestigieuse collection Série noire de Gallimard donne le ton. "En France, des poulets. Aux États-Unis, des cochons. Au Québec, des chiens sales." On espère que le prochain flic qui l’interpellera n’aura pas lu son dernier livre! Car la police en prend pour son rhume. Tout comme les médias, les politiciens, les gros et les petits bandits. Personne ne s’en tire vraiment indemne. Pour le plus grand plaisir du lecteur. Fous rires garantis.

En avant-propos, Barcelo relate une anecdote survenue une vingtaine d’années plus tôt, alors qu’il conduisait en état d’ébriété et qu’il fit l’objet d’une arrestation qui a mal tourné. On lui a passé les menottes, on l’a tabassé jusqu’à lui casser une dent et quelques côtes, avant que de le soumettre à un interrogatoire musclé. Plus d’une fois, l’écrivain a traité le policier de "chien sale". Aujourd’hui, il persiste et signe, même qu’il en rajoute. La théorie de Barcelo est simple: chaque bavure policière est dissimulée derrière une plus grosse bavure. Et la mécanique s’active dans un cercle vicieux sans fin. Si bien qu’un malencontreux accident de chasse engendrera un véritable climat de guerre civile!

Pour la première fois (et Chiens sales est son vingt-quatrième livre), une femme est narratrice et héroïne chez Barcelo. Carmen Paradis, une jeune diplômée en communication, qui vient de rompre avec son amant de patron d’une petite boîte de publicité, hérite de la maison de son oncle sur un îlot dans le chenal de Sorel, ville autant connue pour son Festival de la gibelotte que pour ses Hell’s Angels. Elle n’ambitionne que d’y apprendre à jouer de la guitare. Sauf qu’un matin de septembre, le calme plat (ou platte) de son existence est perturbé par la visite d’un voisin indésirable, Roméo, bientôt rejoint par deux braconniers qui débarquent chez elle avec le cadavre d’un chasseur de canards. Aux nouvelles télévisées, on signale alors la disparition du ministre de la Chasse lors d’une visite dans le chenal. De là à croire que notre cadavre soit le sien…

L’affaire s’envenime quand un couple de contrebandiers de cigarettes trouvent refuge chez la pauvre Carmen, la police à leurs trousses. L’escouade tactique encerclera bien vite l’île pour coincer les méchants criminels, plutôt sympathiques. Les policiers commettent alors la première de leurs conneries en descendant le messager des bandits, qui brandissait pourtant le drapeau de la paix à la pointe du canon de sa carabine sur le balcon de la maison de l’héroïne. Si, dans ce délire enivrant et jubilatoire, le réalisme est laissé de côté, à défaut de vraisemblance, la vérité prend toute sa place. La vérité de dire à quel point le mensonge gouverne le monde.

Le cynisme de François Barcelo n’épargne personne. Mais il a la qualité de s’épanouir dans la dérision plutôt que de s’égosiller dans la dénonciation. Et il convie quiconque ayant une dent contre les flics (il faut bien venger celle qu’ils lui ont cassée) à plonger dans la savoureuse gibelotte d’un règlement de comptes des plus jouissifs. De l’humour subversif qui suscite un plaisir presque indécent. Éd. Gallimard, Série noire, 275 p.

Chiens sales
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François Barcelo