Jocelyne Saucier : Les Héritiers de la mine

À Norco, ville minière d’Abitibi, vit une famille – une véritable tribu – de vingt et un enfants. Le père, prospecteur, est un héros local. Il est celui qui a découvert l’énorme gisement de zinc qui a donné naissance à la ville. La mère, qu’ils appellent tous LaMère, est celle qui trône aux fourneaux, perpétuellement épuisée, éternellement en manque de temps, madone éperdue d’amour pour ses enfants. La maison, que LePère a fait déménager de Perron à Norcoville, est en fait une maison de quatre logis dont il a défoncé les murs; ce qui fait qu’ils ont quatre cuisines, quatre salles de bain, quatre salons, et qu’ils doivent grimper à l’étage par des échelles rafistolées. Ils sont les Cardinal, rois et maîtres de Norcoville. Ils n’ont pas peur des explosions, de la dynamite; les mèches, la poudre, ils s’y connaissent. Ils n’ont peur de personne, ils vivent en autarcie, autosuffisants, fiers; la seule chose qu’ils redoutent, c’est l’explosion imminente de toutes les valeurs sur lesquelles ils ont de toujours basé leur existence: la famille, la mine, la prospection. Le jour où ils apprennent que le prix du zinc a chuté dramatiquement; le jour où ils réalisent que le père, pour sa découverte du gisement, s’était fait payer en actions de la New Northern Consolidated, et que ces actions ne valent plus un clou: ils se mobilisent et fomentent un plan qui sauvera, sinon la mine, du moins l’honneur de la famille.

Après un premier roman, La Vie comme une image (XYZ, 1996), mis en nomination pour le prix du Gouverneur général, Jocelyne Saucier revient en lionne. Avec son histoire explosive, poignante, drôle et tragique, ses personnages qui ne se laissent pas oublier, Les Héritiers de la mine est un roman d’envergure. Le genre de roman auquel la littérature québécoise des dix ou quinze dernières années, beaucoup plus intimiste, ne nous a pas

habitués. À travers le destin de cette grande famille, l’auteure parle de l’Abitibi, où elle habite toujours, et de ses rêves émiettés, de ses travailleurs floués, du pouvoir aveugle des grandes multinationales, de la disparition de villages, des familles qui se déciment. Ses protagonistes ont l’étoffe des héros, ils sont taillés pour résister aux rigueurs; ce sont des héros "locaux", peut-être, mais leur combat est universel.

XYZ éditeur, collection Romanichels, 2000, 197 p.