Immobile au centre de la danse : Chantal Gevrey
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Immobile au centre de la danse : Chantal Gevrey

Le prix Robert-Cliche, pour une première oeuvre, n’a pas toujours couronné de bons livres, mais Immobile au centre de la danse (malgré son titre un peu sirupeux) vaut la récompense qu’il a reçue.

Immobile au centre de la danse

Le prix Robert-Cliche, pour une première oeuvre, n’a pas toujours couronné de bons livres, mais celui de Chantal Gevrey, Immobile au centre de la danse (malgré son titre un peu sirupeux) vaut la récompense qu’il a reçue. Premier roman, on y trouve des faiblesses, certaines longueurs et, parfois, un style emphatique; mais dans l’ensemble, la voix de Constance, narratrice du récit, se fait attachante et émouvante.

Immobile au centre de la danse raconte les exténuantes tentatives d’une maman, d’abord femme, d’écrire au milieu des activités familiales, de la cuisine et, surtout, des enfants. Julien et Justine, encore petits, sont la prunelle de ses yeux, et exigent tout ce que des enfants nécessitent pour s’épanouir: affection, attention, écoute; bref, tout cela ne laisse que quelques minutes à l’héroïne pour chercher l’inspiration.

Française, mariée à Simon, un Québécois, Constance s’interroge également sur sa décision d’avoir quitté son pays, ses racines et, principalement, ses parents, dont la maison constitue sa mémoire. "La maisonnée me fait des signaux de bienvenue, j’accours. Ma mère plie des rideaux qui sentent le fer à repasser. J’ai droit à un vrai goûter sur la table de la cuisine. Autour de moi, les conversations qui s’entrecroisent tissent un cocon protecteur. C’est la félicité!" Constance se rappelle régulièrement ceux qu’elle a quittés, ses propres enfants avec leurs cris et leurs rires remuant sa mémoire de petite fille. Elle qui regrette de priver ses petits de leurs grands-parents (et vice-versa) se satisfait difficilement de Tante Fausta, plus étouffante qu’affectueuse, dont le gâteau à la vanille "est l’expression de l’amour exclusif (…) pour sa nichée, le substitut du cordon ombilical". Les visites chez cette vieille tante sont l’occasion de scènes comiques où, par exemple, Fausta frise l’apoplexie chaque fois que les enfants s’assoient quelque part et risquent de déranger le décor… – bien des parents connaissent cette hantise de la matante-pas-d’enfant! –

Constance arrivera-t-elle enfin à écrire? C’est dommage pour elle, mais le lecteur s’en fiche un peu, plus amusé par les épisodes de la vie familiale que par les mots qui ne viennent pas tout de suite sur la feuille. Et puis surtout, ce roman est traversé par une réflexion sur l’importance de la famille comme valeur, sur le rôle de mère à l’ère moderne. Comment concilier la vie de famille et ses propres ambitions? Que veulent dire ces ambitions, d’ailleurs, à côté du sourire de la petite Justine tout excitée parce que sa maman l’emmène chercher des chenilles avec elle?

Autre thème développé dans le roman, celui du déracinement, qui déchire Constance. Quand elle retourne chez ses parents, pendant les vacances d’été, la réalité revient à la charge. "A-t-elle réellement existé, cette prospérité dont semble imprégné chacun de mes souvenirs, ou n’est-elle qu’une de ces réalités banales magnifiées par l’enfance?"

Bref, un beau roman, à l’écriture sensuelle, élégante, qui évoque des sujets actuels, dans lesquels beaucoup (de femmes, que voulez-vous…) se reconnaîtront. Éd. Vlb, 2000, 216 p.

Immobile au centre de la danse
Immobile au centre de la danse
Chantal Gevrey