Pierre Samson : Menus désastres
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Pierre Samson : Menus désastres

Pierre Samson fait paraître un ouvrage cinglant, mais dont les visées courageuses cachent difficilement les manques et les entorses.

Dans un court essai autobiographique et pamphlétaire, Alibi, paru chez Leméac en 2001, Pierre Samson y allait du constat suivant: "Le roman est en soi un alibi. Il est le lieu de toutes les tricheries. Dans le roman, l’auteur est partout sauf là où vous le lisez."

Cette phrase éclairante est sûrement celle qui arrive le mieux à décrire la matière du dernier opus de l’auteur, qui n’est en rien un lieu sûr. Ce lieu de tous les dangers qu’est Catastrophes poursuit cette marche du risque propre au romancier d’une transmigrance en rêve (rappelons que Samson est l’auteur d’une trilogie brésilienne amorcée alors qu’il n’avait jamais mis le pied en terre du bois de braise – Le Messie de Bélem, Un garçon de compagnie et Il était une fois une ville -, trois ouvrages d’une force certaine qui le placent désormais au-devant de l’écriture romanesque d’ici) où le cadre narratif voulait, au départ, d’un pas sûr, échapper à toute référence québécoise.

Seulement cette fois, dans Catastrophes, c’est un Québec lourdaud et culturellement antipathique qui vient se substituer au Brésil inventé du romancier iconoclaste, et ce, dans une langue foisonnante digne des grands stylistes du genre. Accumulations, accélérations, brisures de rythme, métaphores emportées; Pierre Samson ne fait pas dans la dentelle pour nous présenter ici, sur fond d’intrigue austérienne (et austérité il y a), un réel plaidoyer pour la littérature. Le projet est noble, mais le résultat demeure quelque peu chancelant.

Ivanhoé McAllister, critique littéraire rattaché au lieu critique Pensus, dirigé par l’inénarrable Ignace Bertillon, rédacteur en chef, voire régent immuable d’une cohorte de critiques à genoux, croit avoir trouvé l’astuce idéale pour laisser sa marque dans un milieu littéraire au voile schizophrénique où le nombril fait souvent figure d’encrier. Ce dernier, au sein d’un article de fond sis dans une section de la revue consacrée à des ouvrages "oubliés", fait sa part d’époussetage en créant de toutes pièces un auteur, une oeuvre, de là même un papier qui ne tardera pas à faire sourciller les quelques farfouilleurs-spécialistes qui se passionnent pour les élucubrations théoriques propres au périodique. S’ensuit une enquête afin de retracer l’ouvrage fantôme qui verra McAllister se perdre dans un fatras littéraire sans nom, et des plus embêtants pour sa réputation et celle de la publication.

UN JEU DANGEREUX

Revirements, rebondissements, coups de théâtre: Catastrophes fait montre d’une vitalité peu commune de par le souffle qui l’emporte. Jamais souffreteux, le roman s’inscrit dans une continuité langagière propre à Samson; un style inspiré qui porte un ouvrage aux visées courageuses mais qui cache difficilement ses manques et ses entorses. L’intrigue du roman demeure bien mince, malgré l’effort langagier qui la soutient. Subsiste après lecture cette impression que l’ouvrage n’est en fait que prétexte à la représentation cynique du milieu littéraire québécois (dont les limites ne semblent s’étendre qu’au Plateau Mont-Royal).

L’auteur fait ici l’erreur de tomber dans une sorte de complaisance confidentielle, ne réussissant pas à faire passer une information valable à travers son flot de semonces sur les institutions culturelles, les lieux de publication, voire les auteurs eux-mêmes. Tout passe au hachoir à trop grande vitesse.

Catastrophes, de par son cynisme exacerbé, décoche un peu facilement ses flèches et le lecteur non averti ne saura s’y retrouver. Il s’agit tout de même là d’un effort romanesque honnête, soit, mais à lire uniquement pour les emportements d’une langue à la vivacité noble.

Catastrophes
de Pierre Samson
Éd. Les Herbes rouges, 2007, 228 p.

Catastrophes
Catastrophes
Pierre Samson
Les Herbes rouges