Michel Rabagliati : Un portait de nous
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Michel Rabagliati : Un portait de nous

Depuis 10 ans maintenant, Michel Rabagliati trace les contours et le destin de Paul, son alter ego, devenu une incontestable vedette de la bande dessinée québécoise. Avec son plus récent ouvrage, Paul à Québec, l’auteur montréalais fait le voyage "à l’autre bout de la 20", et aussi au bout de la vie.

Le succès de la série Paul de Michel Rabagliati tient sans doute à ce qu’elle célèbre l’ordinaire. Le bonheur discret, tranquille. Le carburant de cette locomotive, c’est la vie de celui qui la raconte, dans un esprit de prospection des filons de splendeur que recèle le banal, le quotidien. Si on y regarde de plus près encore, au-delà des valeurs véhiculées, Paul est en voie de devenir une sorte de condensé de québécitude.

Ainsi, en fabriquant le destin de Paul, Rabagliati colle à sa propre histoire dans ce qu’elle a d’immensément universel. "Je raconte des choses de la vraie vie, et en plus, je vais dans les coins que les gens connaissent, expose-t-il. Qui n’a pas travaillé dans un camp de vacances (Paul a un travail d’été, 2002)? Qui n’a pas eu un premier logement (Paul en appartement, 2004)? Qui n’a pas eu quelqu’un dans sa famille qui est mort du cancer?" énumère l’auteur, laissant du même coup tomber le thème de son dernier-né: Paul à Québec.

Dans cet album, Paul devient personnage secondaire, laissant le devant de la scène à sa belle-famille, frappée par le drame de la maladie et l’annonce de la mort du patriarche. "C’est un livre qui a été très difficile à faire, révèle Rabagliati. Un peu comme Paul à la pêche, qui m’avait forcé à revenir sur des épisodes difficiles de ma vie avec ma blonde. Là, j’ai pleuré souvent en faisant Paul à Québec, et à un moment donné, j’en pouvais plus. Je ne pensais pas que déterrer un mort serait aussi pénible que ça."

Malgré le poids des souvenirs, Rabagliati parvient à nouveau à faire la chronique du quotidien en évitant le pathétique et le voyeurisme, avec son habituel regard sur l’existence, pudique et tendre. Tout y est: les moments d’absurdité, les rapprochements et les innombrables instants de panique qu’engendrent un décès annoncé, et en parallèle, la vie qui continue, inlassablement. Entre grands amours et minuscules brutalités.

"C’est un portrait de nous", déclare Rabagliati. "Je souhaite qu’il reste quelque chose de tout ça, pour ma fille, pour mes proches, mais aussi pour les Québécois. Ce sont des histoires de nos rapports familiaux, c’est un portrait sociologique de ce que nous sommes. Au fond, je voudrais que ce soit comme un film d’Arcand."

Paul à Québec
de Michel Rabagliati
Éd. de La Pastèque, 2009, 187 p.