Jean Désy : Médecin du monde
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Jean Désy : Médecin du monde

Dans L’Esprit du Nord, Jean Désy ne fait pas que redire son amour des espaces nordiques, à la source de tous ses livres ou presque depuis 25 ans: il envisage une réelle harmonisation de modes de vie en apparence contradictoires, celui du nomade et celui du sédentaire.

Aussi sûrement que l’aiguille d’une boussole, Jean Désy est aimanté par le Nord. Kavisilaq/Impressions nordiques, Ô Nord, mon Amour, Le Coureur de froid… Les titres de ses livres sont éloquents. Et si ce médecin globe-trotter a organisé sa carrière en conséquence, quittant souvent la ville pour aller pratiquer dans les zones les plus septentrionales du Québec, son projet ne se limite pas à y respirer le grand air et y soigner les corps: ce qu’il voudrait soigner peu à peu, un livre à la fois, c’est les relations entre gens d’ici et de là-bas, panser les plaies de siècles d’incompréhension mutuelle.

L’Esprit du Nord, présenté comme des "propos sur l’autochtonie québécoise, le nomadisme et la nordicité", fait en quelque sorte la synthèse d’idées et d’intuitions déjà présentes dans son oeuvre. Mais sans doute Jean Désy n’a-t-il jamais prononcé avec autant d’insistance le voeu de voir les peuples du Nord et l’esprit du nomadisme mieux compris: "La totale fusion sédentaire-nomade ne se fera probablement jamais, écrit-il, mais j’aime croire qu’un jour, au Québec, les gens comprendront toute l’importance qu’il y a d’accepter les cultures amérindienne et inuite, de les valoriser et de leur donner les moyens de s’épanouir. La culture québécoise sans ses forces autochtones ne peut survivre harmonieusement, parce que le pays lui-même s’est bâti sur ces forces-là, nordistes et nomades."

C’est un calepin que nous ouvre Jean Désy. Bribe d’essai sur les "structures mentales nomades et sédentaires", texte plus personnel intitulé "Je suis un Autochtone" – sorte de plaidoyer pour une vie en accord avec la nature -, "Petit lexique des mots canayens de la forêt", on passe d’un registre à l’autre, nous faisant raconter au passage la première rencontre de l’écrivain avec un orignal – rencontre qui, pour l’inconscient jeune homme qu’il était alors, a bien failli être la dernière. Une même sève pourtant circule entre les mots: celle d’une attention constante aux réalités du Nord, à la vie qui y grouille et aux cultures qui s’y sont organisées.

Au fil des ans, Jean Désy a développé à l’égard des Premières Nations une réflexion à la fois poétique et lucide, idéaliste et pragmatique, dont il est à souhaiter qu’elle circule beaucoup. Sous toutes les latitudes.

L’Esprit du Nord
de Jean Désy
XYZ éditeur, 2010, 225 p.

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Là-haut vers le nord de Joseph Boyden

L'Esprit du Nord
L’Esprit du Nord
Jean Désy
XYZ