Alexandre Delong : 2054
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Alexandre Delong : 2054

Bien que le roman d’anticipation ait toujours été le moyen privilégié des pessimistes et des paranoïaques qui se mouraient de dire au présent ses quatre vérités, le genre aura rarement puisé de manière aussi évidente dans l’actualité qu’avec 2054, le premier roman d’Alexandre Delong, une dystopie économico-médicale dont la vision désenchantée pourrait donner le goût de fureter sur des sites de nœuds coulants (on exagère un peu), si ce n’était de ces pointes d’humour noir qui se cachent sous la phrase.

Le médecin Ethan Price, prodige de l’orthogénie (discipline ayant pour objet la création de fœtus parfaits), décroche un score faramineux à la Bourse du Capital humain (en 2054, tout est sujet à investissement, décote et spéculation, même le talent d’un professionnel). Propulsé jeune recrue du prestigieux hôpital général de New York, celui que l’on s’arrache devra composer avec des collègues plus compétitifs que des gorilles en rut et des patrons encore plus obsédés par la rentabilité que le PDG de Walmart. L’air raréfié de l’élite médicale est peuplé de rapaces.

Fable sur la déshumanisation, 2054 impose parfois avec de gros sabots sa critique de la privatisation insidieuse de notre système de santé et de la pensée magique animant les illuminés pour qui il suffirait de remettre notre destin collectif entre les mains invisibles du marché. Difficile cependant de reprocher à l’auteur de délirer solide quand il dépeint les dirigeants d’hôpitaux en bêtes comptables, les journalistes en «publi-reporters» et les experts en relations publiques en personnages majeurs de notre économie. Éditions XYZ, 2013, 352 p.

2054
2054
Alexandre Delong
Éditions XYZ