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Le mariage gay aux États-Unis: un enjeu de fédéralisme

On a tôt fait de se réjouir au Québec des arrêts de la Cour suprême des États-Unis concernant la validation du mariage gay. On y a surtout vu un autre signe d’une société plus égalitaire.

Rappel des faits. La Cour suprême a rendu verdict dans deux affaires: l’une concernant la validité d’une loi fédérale (Defense of Mariage Act, ou « DOMA ») décrivant le mariage comme une « union entre une femme et un homme »; l’autre concernant la possibilité pour des opposants au mariage gay en Californie de faire adopter un référendum gagnant contre le mariage gay, dans la mesure où le référendum avait été déclaré invalide par une Cour californienne et où le gouvernement californien s’était résigné à légaliser le mariage entre personne de même sexe.

Dans les deux cas, la Cour suprême a choisi de limiter le pouvoir fédéral et de donner préséance au pouvoir des états. Dans le cas de DOMA, la loi fédérale a été invalidée en partie parce qu’elle empiétait de manière incohérente sur la législation des états permettant les unions entre personnes de même sexe. Par exemple, les mariages gays au Massachusetts étaient traités de manière inéquitable en vertu du droit fédéral comparé aux autres unions reconnues dans cet état.

Dans le cas du référendum en Californie, la Cour a rappelé au passage la souveraineté de la Californie et l’autonomie de son processus judiciaire, bien distinct du droit fédéral.

En somme, dans les deux cas, la Cour s’est bien gardé d’énoncer clairement un hypothétique « droit au mariage » pour tous. Cette situation a été qualifiée de demie-victoire par plusieurs commentateurs progressistes. En effet, bien qu’elle renforce l’acceptation du mariage homosexuel dans les états libéraux, elle ouvre aussi la porte à une plus grande marge de manoeuvre pour les états conservateurs.

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Mississipi et Québec: même combat ?

Au Canada, le comportement de la Cour suprême dans le domaine des droits fondamentaux a parfois été décrié comme allant à l’encontre des valeurs de certaines provinces.

Par exemple, dans l’affaire du kirpan, les juges d’Ottawa avaient permis le port du couteau sikh dans une école de Montréal alors que la majorité québécoise était plutôt hostile face à ce qu’elle considérait comme un affront à la laïcité.

En bref, la problématique est la suivante: quelle est la légitimité pour des juges de dernière instance, à Washington ou Ottawa, pour décider de questions controversées pour des communautés culturelles particulières ? Des questions touchant à la liberté de certaines minorités religieuses au Québec, ou à la liberté de certaines minorités sexuelles au Mississipi (seulement 13% de la population s’y dit favorable aux unions entre personne de même sexe) …

Idéalement, les choix démocratiques des gouvernements élus des provinces ou des états devraient être respectés. Mais parfois une injustice est tellement évidente qu’il faut la corriger de force, même si une telle correction va à l’encontre de choix démocratiques.

Ainsi, dans les deux décisions de la Cour suprême américaine concernant le mariage gay, la position des juges conservateurs fait drôlement penser au jeu de la « gouvernance souverainiste » promue par le Parti québécois. Malgré la différence des valeurs promues, les deux mouvements tiennent à l’idée qu’une province ou un état ait toujours plus d’autorité qu’un gouvernement fédéral pour décider de ces valeurs.

En l’absence d’un « droit au mariage » universel aux États-Unis, ce sont donc les états qui se retrouvent avec la responsabilité d’instituer une société plus juste.