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Dédé vu par Sébastien Ricard

 

Voici en vrac les propos tenus par Sébastien Ricard lors de notre rencontre à l'occasion de la sortie de Dédé à travers les brumes où il tient son premier grand rôle au cinéma.

Sur le destin tragique des artistes québécois (Gauvreau, Aquin, Jutra, Dédé)

«Je ne sais pas si c'est une entreprise collective de destruction de nos artistes… mais dans le texte qu'il a laissé à sa mort, Dédé disait qu'il était comme son peuple. Il faisait toutes sortes de parallèle mais sans être accusateur.»

Sur l'ampleur du rôle

«Je n'étais pas un grand fan des Colocs, je les ai vus une fois par hasard lors d'un lancement. Pour les besoins du rôle, j'ai rencontré les Colocs qui ont été d'une grande générosité. J'ai aussi rencontré ses blondes, ses musiciens, ses amis, ses sœurs ; j'ai lu les livres de Jean Barbe et de Raymond Paquin (Dédé). Pour moi, Dédé n'était pas encore un monument, mais il l'est devenu après toutes les recherches que j'ai faites. C'est au milieu du film que j'ai réalisé l'ampleur du rôle. Au début, je ne ressentais pas de pression. Faire partie de Loco Locass m'a été vraiment salutaire pour les scènes de show que j'appréhendais beaucoup. J'étais en mesure de mieux comprendre ce qu'est être le leader d'un band, ce qui demande une tête forte pour imposer ces idées dans ce milieu de gars qu'est la musique. Avec Loco Locass, je le vois bien que c'est comme ça que ça se passe.

Du danger de l'imitation

«Je me suis gardé de ça. Lorsqu'on a enregistré les chansons en studio, je me disais que je devais faire attention à l'accent. Lorsque je le forçais trop, ça ne sonnait pas vrai. J'ai donc focussé sur l'esprit, et finalement en me disant que si le rythme a à venir, il viendra. Je l'ai vu en show et en entrevue ; il fallait que je saisisse son intériorité, sa présence. À un moment donné, j'ai arrêté de rencontrer du monde pour me préparer, j'aurais pu en voir jusqu'au dernier jour, mais je me suis que ça suffisait. Il y aura toujours plein de choses à apprendre à son sujet. On peut se perdre là-dedans ! Il y a une grande part d'imagination qui est absolument fondamentale. Par exemple, David Quertigniez, qui interprète Vander et qui ne connaissait rien des Colocs, s'est dit qu'il allait s'inspirer de ce que les autres sur le plateau lui raconteraient.»

Sur l'héritage de Dédé et des Colocs

«Autant j'étais inconscient de ce que Dédé était, maintenant je peux dire que le groupe dans lequel je suis a subi son influence. Inconsciemment ou non, c'est clair ! C'est incroyable, les Colocs ont mis la table pour une génération de musiciens. Je trouve ça beau que ça ce soit fait presque malgré nous, ça démontre toute leur force. Les Colocs avaient un côté baroque : quand il y en a plus, il y en a encore. Ça explose partout ! Quinze ans avant les accommodements raisonnables, elle était là la commission : en chair et en os, en musique et en voix ! Je trouve ça beau tout ce monde sur la dérape, un Français sidatique, un Cree alcoolique. C'est trash et crade, les Colocs! C'est cet aspect-là que j'ai découvert d'eux et je trouve ça beau. Dédé, c'était le structuré de la gang. Le 2116, c'était un vrai taudis, mais il était interpelé par ces gens-là, les laissés-pour-compte. J'aime le côté dangereux, trompe-la-mort de ce groupe-là.»