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TIFF 2009 : Propos d’artistes 2

L'autre jour, je vous ai révélé que Martin Bilodeau du Devoir s'était fait annoncer que son entrevue avec Jane Campion (Bright Star) avait été annulée et qu'il devait se contenter de participer aux tables rondes. Eh bien, ce fut un mal pour un bien puisqu'hier soir, à la première de Micmacs à tire-larigot (que mon confrère du Soleil Normand Provencher et moi avons surnommé Big-Mac en revenant de Rigaud en s'inspirant d'une blague de Dany Boon), Marc-André Lussier de La Presse, dont l'entrevue avec la cinéaste n'avait pas été annulée, nous a dit qu'il avait appris à la dernière minute qu'il ne pourrait plus la rencontrer puisque que Campion avait décidé de partir plus tôt que prévu.

C'est alors que Natalia Wysocka du ICI nous a raconté qu'elle avait dû annuler son entrevue avec George Romero (Survival of the Dead) parce que celle-ci avait été déplacée en même temps que son entrevue avec Johnny Hallyday (Vengeance de Johnnie To). Eh bien, Djeuhnny, qu'elle avait tenté d'interviewer à Cannes, mais qui avait annulé une soixantaine d'entrevues sous prétexte qu'il était fatigué, lui a une fois de plus posé un lapin parce qu'il voulait faire la fête.

Quant à Normand Provencher, plusieurs de ses demandes d'entrevues semblent avoir été ignorées. Et là, je ne vous parle pas d'Helen Faradji du 24 Images et de MSN dont la grande majorité des demandes a été rejetée comme si elle avait la lèpre. En ce qui me concerne, c'est Jacques Audiard qui a pris la poudre d'escampette lorsqu'est venu le temps de mon entrevue; du coup, j'ai manqué la projection de Capitalism : A Love Story de Michael Moore et ma participation à la table ronde de Bright Star. On a bien essayé de me booker une autre rencontre, mais là, c'est moi qui n'étais pas libre. Je ne perds pas espoir, peut-être viendra-t-il à Montréal pour la sortie de Un prophète en 2010…

Un peu plus et je manquais mon entrevue avec Elia Suleiman, dont l'autobiographique Le Temps qu'il reste m'avait emballée à Cannes, puisque celui-ci se serait perdu dans un autre hôtel. Heureusement, il a été retrouvé à temps… Y a pas à dire, les astres n'étaient pas alignés pour la confrérie québécoise. Si au cours des prochains, vous trouvez qu'il manque un peu de saveur internationale dans les pages culturelles des médias mentionnés, sachez que ce n'est pas parce qu'on aura pas essayé. C'est vous dire comment j'étais heureuse de voir que Jeunet et Boon étaient au rendez-vous ce matin. Une chose est sûre : je ne voudrais pas être attachée de presse et ainsi devoir jongler avec des horaires sans bousculés par les caprices des stars… et, parfois même, des journalistes. Trêve de tribulations de journalistes à Toronto, voici en vrac des propos recueillis dans les derniers jours…

Alejandro Amenabar (Agora) sur…

Hypathie d'Alexandrie (incarnée par Rachel Weisz) : « J'étais étonné de découvrir qu'il n'y ait eu encore aucun film tourné sur sa vie. Bien que ses écrits ne se sont pas rendus jusqu'à nous, c'était une mathématicienne, une astronome et une philosophe respectée. De la façon que je la représente, on peut établir des liens entre elle et Jésus puisqu'elle aussi avait des disciples et a subi une mort violente. Par ailleurs, j'ai pris la liberté de changer la fin de l'histoire afin de dénoncer le sort que l'on réserve encore aux femmes dans certains pays. »

Jean-Pierre Jeunet (Micmacs à tire-larigot – Normand Provencher m'a expliqué que ce titre un peu insolite signifiait en argot « beaucoup de problèmes ») sur…

Le fait d'avoir changé de directeur photo : « C'est moi qui ai proposé Bruno Delbonnel à la Warner afin qu'il puisse faire la photo de Harry Potter et le prince de sang mêlé. Il avait besoin de faire un grand film américain; il a fait un travail magnifique. Je ne pensais pas que ça allait s'enchaîner aussi vite et j'ai alors réalisé que j'avais fait une erreur. J'ai choisi Tetsuo Nagata dont j'avais beaucoup aimé le travail sur La Môme et avec qui j'avais fait des pubs. Si le metteur en scène a une vision précise, il peut obtenir ce qu'il veut, vous avez donc pu constater cette continuité à l'écran. »

Dany Boon (Micmacs à tire-larigot) sur…

Sa réticence à incarner Bazil, personnage d'abord écrit pour Jamel Debbouze : « Ça faisait un bout de temps que les journalistes parlaient de ce projet avec Jamel, donc quand j'ai reçu le scénario, j'étais ravi qu'il m'appelle mais je ne m'y voyais pas. J'avais peur que ce soit une fausse bonne idée puisque nous n'avons pas le même physique. Avec son agent, Jean-Pierre m'a proposé de faire des essais. On a travaillé sur le personnage, improvisé quelques scènes et ensuite, il m'a montré le résultat qu'il avait filmé avec une caméra de mariage; il avait fait une image incroyable et déjà on voyait le personnage. »

Christian Carion (L'Affaire Farewell) sur…

Le fait de choisir Emir Kusturica pour incarner un colonel du KGB : « Cette histoire est russe, je voulais donc la raconter avec des acteurs russes. Ce que Nikita Mikalkov avait fait en tant qu'acteur dans Soleil Trompeur m'a subjugué. Comme il y a un petit côté Soleil trompeur dans L'Affaire Farewell, j'ai tout fait pour le rencontrer à Moscou; bien qu'il était subjugué par cette histoire d'espionnage, on a vite compris qu'il ne pourrait pas le faire puisqu'il était embarqué dans un autre film russe monstrueux. Il m'a alors présenté des acteurs russes. Je rencontre donc une espèce de Daniel Auteuil russe. Je commence à travailler avec lui puis, il commence à subir des pressions du ministre de la Culture. Ancien du KGB et connaissant bien cette affaire, ce dernier lui a dit qu'il ne pouvait pas faire au peuple russe qui l'aime pour son talent, soit de défendre un traître. J'ai compris que je ne pourrais pas tourner avec des Russes à Moscou. Je me suis donc tourné vers un acteur d'un pays de l'est qui parle russe sans être russe. J'ai ainsi choisi Emir, qui a été très courageux et qui a travaillé fort pour apprendre le français et réapprendre le russe. »

Elia Suleiman (Le Temps qu'il reste) sur…

Le fait d'être souvent comparé à Tati et à Keaton : « C'est très flatteur… sauf que n'étant pas un cinéphile, ce n'est qu'après avoir tourné mon deuxième film, Intervention divine, que le directeur photo Marc-André Batigne, qui est Français, m'a parlé de Jacques Tati. Évidemment, je n'ai pas tout de suite voulu voir ses films afin de ne pas être influencé. Je ne vais pas souvent au cinéma, mais j'ai quand même vu de grands films. C'est la même chose pour la littérature; je ne suis pas à l'affût des tendances, je dois toujours demander aux libraires qui sont les auteurs à lire. Pour ce qui est de Buster Keaton, il serait amusant de pouvoir lui demander aujourd'hui s'il était cinéphile ou non… Peut-être que mes films font penser à ceux de l'époque du muet puisque dans ce temps-là, les gens ne pouvaient pas avoir vu autant de films que de nos jours. »

Sur ce, je vais me coucher afin d'être en forme pour mon tête-à-tête avec Terry Gilliam (The Imaginarium of Doctor Parnassus).