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TIFF 2010 : Moisson d’automne

À l'origine d'un cri, Robin Aubert: N'acceptant pas la mort de sa deuxième femme, un homme (Michel Barrette) s'empare de la dépouille de celle-ci et va s'enfermer dans un motel. À la demande de ses tantes, le fils de cet homme (Patrick Hivon) part à sa recherche en compagnie de son grand-père (Jean Lapointe). Porté par le jeu bouleversant des trois interprètes masculins, À l'origine d'un cri est un film sombre et intense qui traite de la violence, tant physique que verbale, chez les hommes. Je déteste l'expression « film coup de poing », mais en sortant de la projection, j'ai eu la sensation d'en avoir reçu un dans le ventre.

The High Cost of Living, Deborah Chow: Dans ce prenant récit au ton doux-amer sur le mensonge et la culpabilité, Isabelle Blais incarne une jeune femme qui perd son bébé à quelques semaines de l'accouchement après avoir été frappée par une automobile. Se sentant incomprise par son mari (Patrick Labbé), elle se liera d'amitié avec un vendeur de drogues américain (Zach Braff) rencontré dans un bar. Ce qu'elle ignore, c'est qu'il s'agit de l'homme qui était au volant. Campé dans un Montréal multiethnique, le film de Chow ne tombe jamais dans le pathos malgré l'horrible drame que vit la protagoniste. Par ailleurs, le récit est si  bien mené et les personnages si attachants qu'il devient difficile de condamner les actes du chauffard.

L'Illusionniste, Sylvain Chomet: Film d'animation 2D du réalisateur des Triplettes de Belleville, d'après un scénario de Jacques Tati, L'Illusionniste met en scène un magicien parisien (voix de Jean-Claude Donda) qui, devant la popularité montante du rock'n roll, est contraint d'aller se produire dans de toutes petites salles de spectacles en Écosse. Il y rencontrera une jeune fille (voir d'Edith Rankin) qui l'amènera à reconsidérer son mode de vie. Fort d'une imagerie au charme suranné et riche en détails, ce deuxième long métrage de Chomet fait revivre l'inoubliable et génial interprète de Monsieur Hulot. Malgré sa courte durée, le film, tristounet et touchant, souffre de quelques longueurs. La musique de Benoît Charest et la voix de Betty Bonifassi, qui apportaient tant aux Triplettes, y manquent cruellement.

In a Better World, Susanne Bier: Ce drame prenant de la réalisatrice danoise propose une fascinante réflexion sur l'éducation, l'enfance, la virilité et la violence en traçant le portrait de deux familles. Médecin dans une région d'Afrique menée par un dictateur d, Anton (Mikael Persbrandt, vu dans le magnifique Everlasting Moments de Jan Troell) découvre en revenant chez lui que son fils Elias est victime d'intimidation à l'école. Bientôt le jeune garçon se lie d'amitié avec un nouvel élève, Christian, qui vit seul avec son père (Ulrich Thomsen) depuis le décès de sa mère. Alors qu'il fait montre d'un comportement de plus en plus violent, Christian, Elias et Anton font la rencontre d'un homme brutal (Kim Bodnia de la trilogie Pusher). Entretenant parfaitement la tension jusqu'à la fin, Bier confronte le spectateur à différentes questions morales sans jamais se faire moralisatrice.

Jack Goes Boating, Philip Seymour Hoffman : Premier film de ce grand acteur, qui s'est aussi donné le premier rôle, Jack Goes Boating est l'adaptation modeste mais vibrante de sincérité d'une pièce off-Broadway de Bob Glaudini. Chauffeur de limousine timide et introverti, Jack (Philip Seymour Hoffman) n'a comme seul ami son confrère Clyde (Jon Ortiz), dont son mariage avec Lucy (Daphne Rubin-Vega) n'est pas au beau fixe. Par l'entremise de Clyde et Lucy, Jack fait la connaissance de Connie (Amy Ryan). Pour leur deuxième rendez-vous, Jack se met en tête de lui concocter un dîner parfait. Un film crève-cœur où Hoffman brille comme pas un dans le rôle d'un homme ordinaire. On regrette toutefois que les origines théâtrales transparaissent tant au grand écran.

Jaloux: Premier long métrage de Patrick Demers, ce drame psychologique aux dialogues troublants de vérité met en scène Sophie Cadieux et Maxime Denommée en couple fragilisé par la jalousie de monsieur, dont le destin bascule le jour où se pointe au chalet un ténébreux individu campé par Benoît Gouin. Les trois acteurs ont cosigné le scénario avec Demers, aussi en charge du montage. Une analyse fascinante du couple qui verse graduellement vers le thriller. Très prometteur.

Rabbit Hole, John Cameron Mitchell: Becca et Howie (Nicole Kidman et Aaron Eckhart) vivent à leur façon le deuil de leur fils de quatre ans, frappé par un jeune automobiliste (Miles Teller). La première, ironique et radicale, veut faire disparaître toute trace du bambin; le second, nostalgique et renfermé veut tout préserver de leur passé à trois. Alors que Becca se lie d'amitié avec le jeune chauffard, Howie trouve réconfort auprès d'un groupe de parents orphelins. Fine analyse de caractères, Rabbit Hole étonne d'abord par la simplicité de sa mise en scène, à des lieues des flamboyants et percutants précédents films de John Cameron Mitchell (Hedwig and the Angry Inch, Shortbus), qui mise ici sur le talent de ses interprètes. Malgré la gravité du sujet, le film n'a rien d'un mélo larmoyant. De fait, bien que l'émotion soit palpable du début à la fin de ce drame en demi-teintes, celle-ci est la plupart du temps en retenue. Dans des rôles secondaires, Dianne Wiest et Sandro Oh amènent quelques bouffées d'humour.