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Cannes 2011 : sa sainteté Piccoli

Ceux qui me suivent sur Twitter savent qu'aujourd'hui j'ai publié la liste de mon top 3 de films (Polisse de Maïwenn, Habemus Papam de Nanni Moretti et We Need to Talk About Kevin de Lynne Ramsay), de mon top 3 d'actrices (Tilda Swinton dans We Need to Talk About Kevin, Jessica Chastain dans The Tree of Life de Terrence Malick et Marina Foïs dans Polisse) et de mon top 3 d'acteurs, lequel va comme suit : Michel Piccoli (Habemus Papam), Michel Piccoli (Habemus Papam) et Michel Piccoli (Habemus Papam).

Groupie la fille ? Pas vraiment, mais je dois admettre que le vénérable acteur de 85 ans trouve chez Nanni Moretti l'un de ses plus beaux rôles – et ce n'est certainement pas ce qui manque à celui qui connut la gloire avec Le Mépris de Godard et fut l'un des acteurs fétiches de Buñuel, de Sautet et de Ferreri : « Terminer avec Nanni Moretti, a-il dit à la conférence de presse, c'est parfait. Voilà, c'est fini. »

Et pourtant, si Piccoli, prix d'interprétation masculine pour Le saut dans le vide de Marco Bellocchio en 1980 à Cannes, est en état de grâce dans Habemus Papam où il incarne un cardinal français qui craque lorsque ses pairs en font leur souverain pontife, il semble bien que Moretti ait hésité à lui confier ce rôle : « Je n'ai pas eu besoin de réfléchir, car je connaissais tous les films de Nanni Moretti, alors j'ai dit « oui » tout de suite, mais pas lui. Je suis arrivé avec le costume à Paris, j'avais appris mon texte en italien et puis, il est repassé quelques jours plus tard. »

Au moment de s'adresser aux fidèles, le pape lance un long cri, ce qui ne fut pas très difficile pour l'acteur : « Ce cri ne veut rien dire et en même temps il veut tout dire : « je ne peux pas ! » On a tous eu ce sentiment de panique face à un événement, pas nécessairement crucial. J'ai fait le cri et Nanni a voulu le parfaire. Et puis, il m'a encore dit « non ». J'ai toujours été extrêmement attentif aux metteurs en scène et à mes partenaires ; j'écoute plus que je parle. La troisième fois, il m'a demandé de faire un cri dans un bistro ; ça, ce n'était pas facile, mais c'était très amusant. »

Lauréat de la Palme d'or en 2001 pour La chambre du fils, Nanni Moretti livre ici un film surprenant, c'est-à-dire qu'on s'attendait de la part du réalisateur du Caïman, brûlot anti-Berlusconi, à une charge féroce contre l'Eglise catholique, plutôt qu'une incursion tendre, amusante et pleine de finesse dans les coulisses du Vatican : « On s'attendait à ce que je dénonce le Vatican, mais je ne voulais pas parler des prêtres pédophiles et des scandales financiers. L'an dernier, dans les journaux, on pouvait lire plein de choses qu'on savait déjà ; l'Eglise semblait avoir perdu toute crédibilité et autorité. »

Le cinéaste poursuit : « Jerzy Stuhr (l'acteur tenant le rôle du porte-parole du Vatican) revenait de Pologne où la figure de Jean-Paul II était remise en question. Je ne voulais pas traiter de cela, j'avais mon pape et mes cardinaux, alors j'ai continué mon film et puis l'atmosphère de l'été dernier s'est évanouie. »

Moretti a même avoué que le Vatican ne l'avait ni aidé ni mis des bâtons dans les roues : « Je n'ai pas rencontré d'obstacles, on a reconstruit le Vatican d'après des documents existants. J'ai voulu créer un Vatican plus sobre que d'habitude sur le plan iconographique qu'au cinéma. En tant que spectateur, j'ai vu beaucoup de films sur la Vatican et le conclave, mais je n'avais pas envie de raconter ceux-là. »

Face à Piccoli, Moretti incarne un psychanalyste qui sera bientôt coincé au Vatican alors que le pape errera dans les rues de Rome. D'ailleurs, c'est l'un des bémols du film, que le tête-à-tête entre le pape et son psy ne soit pas plus long : « A un moment donné, se souvient le réalisateur, je racontais des choses sur un pape déprimé et les gens croyaient que j'allais l'interpréter. C'est en introduisant le personnage du psy que je me suis rendu compte que c'était ce personnage-là que je voulais jouer et c'est arrivé tout naturellement que celui-ci organise un tournoi de volleyball avec les cardinaux. »

Enfin, malgré les images des funérailles de Jean-Paul II montrées au début du film, toute ressemblance avec Benoît XVI serait fortuite.