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Cannes 2011 : ¡ Pedro mi hombre !

Des fois, je ne me comprends pas… A titre d'exemple, en 2007, contrairement à plusieurs de mes confrères, dont Marc-André Lussier de La Presse, je n'avais pas craqué pour Les chansons d'amour de Christophe Honoré, présenté au Festival de Cannes. Et pourtant, je sentais tellement que j'étais le public cible, étant depuis toujours friande de comédies musicales. J'étais si déçue de ne pas vibrer en entendant la musique d'Alex Beaupain, que j'avais même revu le film peu avant sa sortie au Québec. Après un quart d'heure, à l'instar de la blogueuse Catherine Voyer-Léger, je me serais défenestrée ! Cela dit, je trépigne d'impatience à l'idée de voir Les bien-aimés d'Honoré, film de clôture de la présente édition, qui met en vedette Catherine Deneuve, Ludivine Sagnier et Chiara Mastroianni.

Pourquoi je vous parle de cette vieille histoire de quatre ans alors que LVT a éclipsé DSK dans les manchettes ? Eh bien, c'est que ce matin, en sortant de la projection de presse de La piel que habito (La peau que j'habite) de Pedro Almodovar, je me suis rendu compte que je ne partageais pas l'enthousiasme de mes confrères – même si j'en reconnais les grandes qualités. Et pourtant, là encore, je sentais vraiment que j'étais le public cible. J'aime inconditionnellement Pedro Almodovar et Les yeux sans visage de Georges Franju, principale source d'inspiration du film, est l'un de mes films d'horreur préférés.

« Le thriller correspond à l'époque actuelle de ma vie, expliquait Almodovar en conférence de presse. J'ai commencé ma carrière en faisant des comédies populaire puis des mélodrames. Ce genre permet d'accéder à tous les genres. Je ne me vois pas respecter tous les codes du thriller comme on le faisait avec innocence dans les années 50. En fait, j'avais d'abord envisagé de faire un film à la manière de Fritz Lang ; pendant le premier mois, je pensais même faire un film muet en noir et blanc, j'ai finalement fait quelque chose de propre à moi. L'histoire du film en est une de survie dans des conditions extrêmes, comme peut l'être la vie. »

Thriller à l'esthétique soignée, quasi clinique, où l'on reconnaît bien la griffe du brillant Madrilène, La piel que habito met en scène un savant fou, personnage récurrent dans les films ayant obtenu la cote (7) de Médiafilm, incarné par Antonio Banderas, qui, depuis la mort de sa femme gravement brûlée dans un accident de voitures, se livre secrètement à des recherches sur la greffe de peau et les manipulations transgéniques. Protégé du monde extérieur par sa redoutable domestique (Marisa Paredes), l'homme a pour cobaye une ravissante jeune femme ressemblant étrangement à sa défunte épouse (Elena Anaya).  Qui donc est-elle et pourquoi la domestique est-elle si attachée à son employeur ? On peut compter sur Almodovar pour entretenir savamment le mystère alors que se développe sous nos yeux une histoire d'amour on ne peut plus tordue sur fond de mélodrame.

« Les yeux sans visage de Franju était dans ma mémoire et j'y pensais souvent pendant le tournage. C'est le seule référence claire et précise ; je connais ce film par cœur. Pour moi, le genre fantastique, auquel appartient le film de Franju, n'a rien à voir avec le mien. De nos jours, nous faisons des recherches transgéniques, des greffes de visage ; or, à l'époque de Franju, cela n'existait pas. Le corps est très important dans mon film ; comme Franju, je ne voulais pas d'effets gore. Quant au Frankenstein de Mary Shelley, j'ai remarqué la référence une fois le film terminé. Alors bienvenue dans la famille, Frankenstein. »

Quelque 20 ans après Attache-moi, Almodovar renoue, enfin !, avec Banderas, qui porte solidement le film sur ses épaules : « C'est une histoire qui reprend au bout de 20 ans, confiait l'acteur, et qui se résume en une belle leçon : la création pour un acteur est possible dans cet espace où nous place Pedro sans complaisance. J'ai travaillé l'économie afin d'intérioriser les sentiments. Au fur et à mesure que le récit avance, on découvre que c'est un homme tourmenté par plusieurs événements. Je devais incarner la froideur absolue d'un psychopathe qui ne ressent pas la douleur des autres. Plutôt que d'horrifier le public, il fallait créer le malaise. Pedro me défendait même de sourire. Je le remercie publiquement de m'avoir envoyé dans des sphères que je ne connaissais pas."