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FNC 2011 : Fille au masculin

Il y a quelques années au Festival de Cannes, j’ai été séduite par la délicatesse avec laquelle la jeune réalisatrice Céline Sciamma traitait de l’éveil sexuel chez les jeunes filles. Dans ma critique de Naissance des pieuvres, sorti en salle en 2008, j’avais même osé écrire qu’une grande réalisatrice était née, ce qui n’est pas le genre d’affirmation que je fais couramment…

«Dirigeant admirablement ses jeunes comédiennes (de vraies ados et non des adultes aux allures juvéniles), Sciamma a su capter, grâce à une mise en scène sans flafla, les émotions à fleur de peau de ces adolescentes tourmentées. Avec tendresse, respect, pudeur et juste ce qu’il faut de sensualité, elle les montre dans toute leur beauté, leur grâce, mais aussi avec leurs maladresses, sans toutefois en faire de jolies potiches ni les rendre ridicules. Rarement aura-t-on vu l’adolescence illustrée avec autant de vérité et d’acuité au cinéma», concluais-je ainsi ma critique.

Eh bien, les qualités que je reconnaissais à ce premier long métrage, je les ai retrouvées avec bonheur dans Tomboy où Céline Sciamma s’intéresse à l’identité sexuelle d’une gamine aux allures masculines, Laure (Zoé Héran). Nouvellement installée dans le quartier peu avant le début des classes, Laure fait la rencontre de Lisa (Jeanne Disson) qui la prend pour un garçon. Après quelques secondes d’hésitation, Laure prétend s’appeler Michaël. Dès lors, elle vivra comme un garçon à l’extérieur de la maison. Seule sa sœur cadette (Malonn Levana) partagera son secret.

Raconté à hauteur de préadolescents, ce tendre et lumineux long métrage illustre admirablement bien la simplicité et la cruauté des rapports entre garçons et filles sur le point de quitter l’enfance, tandis que les corps se transforment peu à peu et que le sexe de l’autre devient source de mystère, d’attraction ou de répulsion. Pour Laure, dont la poitrine ne s’est pas encore développée, elle goûtera à la liberté d’enlever le haut comme un garçon lors d’une partie de foot, mais devra faire preuve d’imagination pour une baignade au lac.

Évoquant Ma vie en rose d’Alain Berliner, la fantaisie en moins, Tomboy ne se perd pas dans les dialogues psychologisants, la réalisatrice préférant s’intéresser aux actions, révélatrices, du personnage. Mue par ses instincts, Laure/Michaël s’étudie devant le miroir afin de faire disparaître toute trace de féminité dans ses gestes. Fière de passer pour un garçon, elle reviendra honteuse à la maison quand Lisa se mettra en tête de la maquiller. Elle sera aussi troublée par les avances de cette dernière.

Offrant une subtile réflexion sur la complexité de l’identité et de l’orientation sexuelles, Céline Sciamma raconte par petites touches cette histoire de fillette en crise identitaire tout en sachant maintenir le suspense jusqu’à l’éclatement de la vérité.

Film d’ouverture de la section Les P’tits loups, Tomboy sera projeté aujourd’hui à 15 h 15 à la salle Fellini.