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Cannes 2012: Québécois à la conquête de Cannes

En attendant de vous livrer des portraits des Québécois qui seront du 65e Festival de Cannes, je vous offre deux jours à l’avance un texte qui paraîtra dans nos pages ce jeudi. Au fait, ne manquez pas non plus mes entrevues avec Xavier Dolan, Melvil Poupaud et Nathalie Baye pour Laurence Anyways, le film qu’on ne peut pas critiquer avant le vendredi 18 mai. Ne cherchez donc pas la critique jeudi, j’ai signé sagement l’embargo.

Le nom de Chloé Robichaud ne court peut-être pas encore sur toutes les lèvres, mais la jeune réalisatrice de Cap-Rouge n’en est pas moins à sa troisième présence au Festival de Cannes. Ainsi, en 2010, son court métrage Moi non plus était le coup de cœur du Short Film Corner, et en 2011, Nature morte figurait dans la sélection de la SODEC. Cette année, Chef de meute, mettant en vedette Éve Duranceau, se retrouve parmi les 10 courts métrages pour concourir pour la Palme d’or, dont le jury sera présidé par Jean-Pierre Dardenne. Mentionnons qu’ils étaient 4500 sur la ligne de départ…

« On m’a dit qu’on ne choisissait pas nécessairement des films parfaits, réalisés par des cinéastes établis, affirme celle dont cette sélection était au-dessus de ses espérances. Ils choisissent des courts de cinéastes qu’ils veulent suivre. Je pense qu’en ayant vu mes autres courts métrages, ils ont senti que j’étais prête avec celui-là. Je pense que c’est un film qui repose beaucoup sur le scénario, sur le jeu des comédiens, sur ma façon de faire avec peu et c’est peut-être ça qui les a charmés. »

À la Quinzaine des réalisateurs, une autre court-métragiste tentera de faire sa marque, Marie-Ève Juste, que le connaît pour Canicule qu’elle a réalisé avec Félix Dufour-Laperrière. Cette fois, c’est en solo qu’elle signe Jeff en moto. Séduira-t-il la présidente du jury Julie Bertuccelli? :« J’ai été dubitative pendant quelques jours, se souvient celle qui partage sa vie entre le cinéma et la médecine, jusqu’à ce que ce soit annoncé sur le site Internet. C’était beaucoup trop grand pour moi. C’est magnifique! Je me suis beaucoup demandé ce qu’on avait trouvé à mon film. Ce qui les a touchés, c’est qu’un début, il y a un extrait d’un poème de Tania Langlais évoquant la transparence des filles. Le film est un portrait d’une jeune femme qui doit décider entre les responsabilités et le rêve de s’évader; tout au long, elle est filmée de façon un peu éthérée. »

Ces deux présences à Cannes témoignent de la bonne santé du court au Québec. Et s’il y en a un qui y voit de très près, c’est bien Danny Lennon, qui, cette année, devra partager son temps entre le jury des courts métrages de la Semaine de la critique, et à veiller sur le contingent d’une cinquantaine de personnes de Talent tout court. Initié par Téléfilm Canada, ce programme comprend 25 courts métrages québécois et canadiens, dont Le futur proche de Sophie Goyette, Ne pas reculer de Dominique Laurence et Tout va bien de Robin Aubert, qui seront projetés au Marché du film dans deux salles emménagées par PhiGroup.

« Ça démontre à quel point on est dynamique depuis une douzaine d’années et qu’on fait du bon stock. En plus, on est sympathique!, lance Lennon. Depuis deux ans, j’aide Téléfilm pour Talent tout court; ils ont compris qu’ils ne pouvaient pas aider le court, mais ils ont décidé d’aider les jeunes talents, les aider à prendre du galon, à rencontrer des gens, et à se préparer éventuellement à faire un long. Je trouve ça intelligent. »

Au Québec, on le connaît comme réalisateur de La belle bête, mais ailleurs dans le monde, Karim Hussain est avant tout un directeur photo. Les festivaliers pourront d’ailleurs découvrir ce talent dans Antiviral de Brandon Cronenberg, dans la catégorie Un certain regard : «Ce film traite de la célérité et de l’obsession jusqu’au point où les fans achètent les maladies de leurs célébrités favorites. On a décidé d’opter pour un style assez radical. Beaucoup de gens savent que j’utilise normalement beaucoup de couleurs, mais dans ce film, les couleurs sont très désaturées, il y a énormément de blanc. Il y a un aspect très clinique qui rappelle l’univers que l’on connaît très bien du père de Brandon, David. Il est son propre cinéaste, avec son propre style, mais c’est un Cronenberg. On voit très bien le lien de parenté. »

Québécois d’origine colombienne, Juan Andres Arango avoue être très fier de présenter La playa, sur la minorité afro-colombienne de Bogota, à Un certain regard :«Ce qui m’a motivé à écrire ce scénario c’est que cette minorité, qui compose 20% de la population colombienne, est peu présente au cinéma. Le film  parle d’exil, de racisme et de la guerre. Pour un premier film, d’être sélectionné à Un certain regard, c’est magnifique. Et si le film crée une polémique, ça ne me dérange pas du tout! »

Parlant de polémique, Xavier Dolan n’a pas caché sa déception d’être sélectionné à Un certain regard alors que plusieurs avaient pressenti que Laurence Anyways se retrouverait en compétition officielle, ce qui ne signifie pourtant pas qu’il ira à Cannes à contrecoeur : « Je ne pense pas du tout qu’il s’agit d’une sous-catégorie. Je trouve ça assez offensant puisqu’il y a de grands films qui y ont été sélectionnés. À la conférence de presse, Thierry Frémaux a dit qu’on lui reprochera dans 10 ans de toujours me mettre en compétition. Ce que je pense surtout c’est qu’on lui reprochera de le faire alors que je ne le mériterai et que je serai devenu un habitué du festival. »