BloguesCinémaniaque

Cannes 2012: La Quinzaine de Marie-Ève Juste

Passionnée de médecine et de cinéma, Marie-Ève Juste tourne en 2011 avec Félix Dufour-Laperrière le court métrage Canicule. Forte de l’expérience, elle tente par la suite l’aventure en solo. Excellente décision de sa part puisque son court Avec Jeff, à moto a été sélectionné à la 44e édition de la Quinzaine des réalisateurs. Le mercredi 23 mai 2012 sera donc un grand jour pour elle.

« J’ai été dubitative pendantquelques jours, confiait-elle peu de temps après  avoir appris la nouvelle, jusqu’à ce que ce soit annoncé sur le site Internet. C’était beaucoup trop grand pour moi. C’est magnifique! Je me suis beaucoup demandé ce qu’on avait trouvé à mon film. Quand on réalise un film, on voit tellement les images à répétition qu’il devient complètement banal. Ce qui les a touché, c’est qu’un début du court, il y a un extrait d’un poème de Tanya Langlais, où l’on évoque la transparence des filles. Avec Jeff, à moto est le portrait d’une jeune femme qui doit décider entre la vie adulte, les responsabilités et le rêve de s’évader; tout au long du film, la femme est filmée de façon un peu éthérée. »

Malgré son titre, Avec Jeff, à moto n’est pas un road-movie : « C’est l’histoire d’une jeune fille de 16 ans (Laury Verdieu) qui vit dans le quartier St-Michel, qui doit s’occuper de son petit frère, tenir maison. Puis, elle se fait inviter par Jeff (Liridon Rachiti), un gars de sa classe un peu macho qui a une moto. Pour elle, c’est une initiation à l’amour et la possibilité de s’évader. »

Si l’image de la ballade en moto n’est pas sans évoquer le cinéma asiatique, celle qui a travaillé à la Cinémathèque québécoise de 2003 à 2007 confie qu’il s’agit plutôt ici d’une référence autobiographique : « C’est presque quelque chose de quétaine de fille, une monture moderne, une Cendrillon en moto. C’est tout simple. Dans ma vie, c’est le moment le plus extatique que j’ai vécu, ce cliché de la moto, les cheveux dans le vent. »

Afin de trouver les interprètes idéaux, Marie-Ève Juste s’est tournée vers une agence de casting où elle a rencontré deux jeunes acteurs ayant fait un peu de télévision :« Ç’a été un peu difficile de trouver un gars latino aux cheveux longs et une fille noire. Pour Laury, ç’a été un coup de foudre. Au début, je la trouvais trop belle pour le rôle, mais elle avait un tel naturel, une telle tristesse dans son regard, que je trouvais que le rôle était pour elle. Je suis contente de l’avoir prise. Liridon était parfait aussi. Il est arrivé en retard à l’entrevue; il était le personnage juste dans sa façon de nous serrer la main, de se présenter. Je ne sais pas si c’est une chose à laquelle il avait pensé. »

N’ayant pas de formation en cinéma, la jeune réalisatrice avoue humblement se sentir imposteur. Par ailleurs, il semble bien qu’il n’y aura pas de long avant longtemps à l’horizon :« Chaque fois que je ferai un court, j’aurai ce sentiment d’apprentissage total. Ça pousse à aller plus loin; on travaille deux fois plus parce qu’on a le sentiment que ça ne nous est pas dû. Pour l’instant, je travaille sur un court métrage, que j’espère faire une fois de plus avec Voyous Films. Je pense que je suis étapiste : une chose à la fois.  »

Quant à savoir si un jour la médecine, son champ de travail, se retrouvera au cœur de son cinéma, la réponse de Marie-Ève Juste est spontanée : « Je ne sais pas… c’est plate comme réponse, non? J’espère que non, ce sont deux domaines très différents et je ne veux vraiment pas qu’ils interfèrent l’un avec l’autre. En même temps, ce sont deux champs qui me sont nécessaires pour maintenir un équilibre. C’est sûr qu’il y a du matériel pour faire des films en médecine. Je changerai peut-être d’idée, mais pour l’instant, je pense que ce serait trahir mes patients qui me font confiance; je me sentirais un peu voyeur de me servir de leurs histoires. Je ne voudrais pas être étiquetée non plus.»