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Karlovy Vary 2012 : un couple étonnant

Jacques Languirand a rencontré Martin Villeneuve il y a une dizaine d’années alors que celui-ci étudiait en design graphique. L’homme de radio ayant tâté du théâtre avec la troupe des Compagnons du père Legault ne se doutait pas que ce jeune homme rêvant de travailler avec lui allait lui permettre de jouer au grand écran l’amoureux transi d’une jeune femme, qui plus est, l’actrice d’expérience Caroline Dhavernas.

« J’ai adoré ça, faire semblant, c’est un sport extraordinaire, lance Jacques Languirand. J’ai beaucoup aimé joué avec les instruments qui étaient plus fous les uns que les autres. Toute cette folie-là m’a intéressé, c’est pourquoi lorsqu’il m’a appelé et qu’il m’a dit qu’il avait un rôle pour moi, je croyais que c’était d’apparaître ici et là. »

 Dans Mars et Avril, le débutant de 81 ans incarne un musicien célèbre dont les instruments à vent sont conçus d’après des corps de femmes par un jeune créateur (Paul Ahmarani) et son génie de père (Robert Lepage). Lorsqu’arrive un jour Avril (Dhavernas), photographe asthmatique, le vieux musicien et le jeune créateur ont tous deux le coup de foudre pour cette muse folle d’amour pour le vénérable vieillard. Au même moment, l’Homme s’apprête à fouler le sol de Mars.

« Je trouvais ça très audacieux de la part de Martin de soutenir un projet comme ça avec un couple présentant une grande différence d’âge, admet Languirand. Elle est si considérable qu’il n’y a pas d’élément fâchant : il est si vieux, elle si jeune qu’il n’y a pas de controverse, le rapport entre les deux est éclaté des deux côtés. »

« Il fallait avoir confiance parce qu’on ne fait pas souvent de projets comme ça Québec car on en n’a pas les moyens, explique l’actrice. Il fallait quelqu’un qui avait une folie, une naïveté et une force, ce qui n’est pas une combinaison facile. On ne travaille pas souvent avec des écrans verts au Québec, mais Martin savait exactement ce qu’il voulait. Il était tellement bien préparé, il nous montrait des maquettes du décor, ce qui nous aidait à jouer, car c’est difficile d’être bon quand il n’y a que des écrans verts autour de nous. Il faut s’accrocher à son partenaire, à son regard, à nos costumes, à nos maquillages, à pas grand-chose finalement. C’est vraiment une couleur qui fait peur, je préfère le bleu! »

Caroline Dhavernas, qui a étudié à Brébeuf en Arts et communications avec Martin Villeneuve, poursuit :« Habituellement, les films de science-fiction me laissent de glace, car il y a une espèce de froideur, mais ce film-ci est très poétique. Il y aussi quelque chose de très organique car les costumes ont été faits à la main, dont celui du serveur (Jean Asselin), qui est fait de papier. D’habitude, en science-fiction les costumes sont métalliques, faits de plastique. »

En voyant le film une première fois, Robert Lepage a trouvé qu’il y manquait quelque chose, soit de la sexualité et de la sensualité. Il a donc fallu ajouter une scène, laquelle a été tournée, non pas en studio, dans la chambre à coucher de Jacques Languirand.

« Honnêtement, j’ai trouvé ça osé. À la blague, je dirais que j’étais très ravi de jouer ça avec madame. D’avoir été capable de le manipuler d’une façon qui n’était pas pénible, excitante dans le sens péjoratif du terme. Les gens voient bien que c’est un couple tellement différent, intéressant dans leur rapport entre eux et en même temps, tout à coup ça se défait car il est normal que ça se défasse. Le moins qu’on puisse, c’est que c’est audacieux d’avoir fait ça. Caroline avait beaucoup d’expérience et moi à peu près pas, ce qui est étonnant. Elle a joué un rôle dans ma façon de m’adapter à cette discipline-là. C’est mon souffle quelque part» » conclut en éclatant de rire Jacques Languirand.