BloguesMax Clark

Le Festival de l’Outaouais Émergent @ Hull – La lame et le cordon

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Crédit photo: Mèlik Benkritly

La voiture filait à vive allure sur la route mouillée. On venait à peine de percer l’orage. Il s’était pointé dans le coin de mon œil sans prévenir, épaisse masse sombre striée par la lumière de la foudre et je l’ai défoncé sans broncher, sans jamais lever le pied sous la mer qui s’effondrait sur le capot. L’horizon était rose de l’autre côté et le week-end qui se déroulait sous nos pieds s’annonçait désormais parfait.

Au bout du chemin, le FOÉ. Pour sa 7ème édition, le Festival de l’Outaouais Émergent nous offrait cette année une programmation atteignant des sommets de qualité et de diversité que les hullois n’avait pu qu’espérer jusqu’à ce jour. Je pleure encore de ne pas avoir vu la magnifique Kandle qui jouait le jeudi, et je m’en prosterne encore en repentir, mais tant nous attendait encore de l’autre côté.

Je n’ai pas pu le faire à temps non plus pour la portion poids lourds de la prog qui ouvrait la soirée de vendredi au Petit Chicago avec comme leaders les vieux routiers du hardcore new-yorkais Madball. C’est pourquoi j’ai demandé à mon pot Mathieu Vilandré, aussi drummer pour Fuck the Facts, de s’y pointer pour voir c’qui s’tramait.

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Crédit photo: Mèlik Benkritly

Le tout débutait donc avec les ottaviens de Contempt proposant un hardcore fluide quoiqu’un brin générique. Leur performance de moins de 15 minutes n’a évidemement pu apaiser l’appétit de la foule, affamée. Ont suivi, les montréalais de Harriers qui, avec un hardcore hybride moins conventionnel parsemé de rythmes et de solos thrash métal, ont soufflé un vent de fraîcheur. Puis, directement du suburb new-yorkais, la formation Brick by Brick nous a proposé un hardcore all-american avec une touche métallique. L’énergie y était, l’exécution, un peu moins, mais bon, la table était mise pour la massue. Madball, l’un des piliers du genre depuis plus de 20 ans maintenant. Et pour sa première performance à Gatineau, le groupe, qui jouait sur «la plus petite scène» de son histoire, fut fidèle à lui-même. Un mélange d’agressivité et de respect typique à cette scène aux attributs fraternels. Et la foule déchaînée en fut le reflet, que ce soit à travers les danses plus ou moins orthodoxes propres au style ou bien avec des chœurs de cris stridents, force est de constater que ces vétérans de la vieille école dominent toujours leur style.

Moi, j’l’ai fait juste à temps pour le boulet de canon incontesté du festival et j’ai nommé : les mondialement acclamés Half Moon Run. Leur présence sur le site de la Fonderie était à elle seule l’annonce que cet événement fondé en 2008 par la gang de crinqués des Outaouais Motivés venait d’atteindre le niveau supérieur. Et le site lui-même en témoignait: plus grand, bien mieux garni et structuré, paqueté de beau monde. C’est beau de voir le grand garçon que ce bambin de festival est devenu.

Avant eux, on avait droit à un avant-goût de la toute prochaine rentrée montréalaise d’Alexandre Désilets et de son Fancy Ghetto. Une pop pas trop sucrée, inventive par moment, une jolie voix, mais au sommaire, ça passe plutôt inaperçu. La foule nombreuse attendait ses chéris, et quand le guitariste et chanteur d’Ottawa Devon Portielje et ses comparses ont foulé les planches, le feu a pris. Et ils nous ont offert une prestation puissante, des mélodies complexes, tout en finesse, maîtrisées à la perfection et surtout de l’émotion à fleur de peau. On aurait pu croire que c’était le show de leur vie et ça, c’est magique.

On a fini la soirée au son de Dominiq Hamel (Orange Orange, Gatineau) et de son nouveau projet aux côtés de sa dulcinée Elizabeth Blouin-Brathwaite. Honnêtement, je ne m’étirerai pas sur le sujet ici, sauf peut-être pour dire qu’il n’y a malheureusement aucun aspect de ce spectacle qui est digne de mention. Aucun.

Le jour suivant

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Crédit photo: Le Petit Russe

Je me suis dirigé vers le site à pas lents pour entamer la seconde soirée. J’avais la veille dans le corps et les semelles lourdes. Sur la scène pour m’accueillir, un ovni. Une jeune femme hésitante, un peu gauche, un costume de squelette sous sa longue redingote. Klô Pelgag est une artiste à part, une voix, un phrasé unique et un talent indéniable. Assise au piano, entourée d’une section complète de cordes, son offrande est singulière, particulière. Sans être un bijou, elle est ce qu’elle est, ne ressemble à rien. Joli.

Comme tête d’affiche ce soir, on avait droit aux très émergés Trois Accords. Choix discutable à première vue. Honnêtement, j’étais peu enthousiaste, leur farce on la connaît et ce n’était pas la place. Mais, ils m’ont surpris, enjôlé et, au final, conquis complètement. Leurs absurdes ritournelles sont devenues malgré nous des emblèmes québécois, et on chante en chœur des conneries sans nom, mais ça reste drôle, et surtout profondément rassembleur. Au-delà de la joke, on a là des musiciens de talent qui ce soir avaient choisi de réinventer leurs succès en y infusant une bonne dose de percussions latines et c’était dansant à souhait. Un sourire sur chaque bouche et c’était mission accomplie.

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Crédit photo: Mèlik Benkritly

Mais, il était encore tôt et le morceau de viande le plus coriace du week-end nous attendait au Bistro pour l’anniversaire du Oaks skateshop. Pour l’occasion, étaient réunies les deux figures de proue du post-rap d’ici : Alaclair Ensemble et Dead Obies. Et ce fut, mes amis, le high light incontesté du festival. La place était paquetée à en craquer et les deux quintettes de MC mordants se sont partagés la (pas de) scène avec brio. De la véritable bombe. La foule était compressée autour d’eux, à hurler leur lyrics comme une gang de capotés, à bondir en grosses vagues et même à décoller des mosh pits quand le beat venait à s’affoler. Définitivement quelque chose qu’on pourrait qualifier de party de l’année.

Le dernier jour

Vu qu’on aura malheureusement dû s’pousser avant la conclusion. C’est encore une fois le compatriote Vilandré qui s’est chargé du spécial Trash ta vie du dimanche soir. Il y eut d’abord la formation gatinoise Inimaï dont le rock ambiant bien exécuté a su capter l’attention d’une foule encore sous les effets de la veille. Ensuite, vint le groupe The Dying Arts, une belle surprise avec son rock sale et intense qui reste dans la tête et ses mélodies accrocheuses et bien structurées. Un nom à retenir. Puis, Eldorado, bidon d’essence à la main. Une autre formation de la région qui s’est pointée sur scène en plein contrôle de son art et qui s’est aisément approprié la foule avec un hard-rock décapant, des guitares lourdes et une batterie écrasante. Du solide.

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Crédit photo: Le Petit Russe

Une pause. La foule fébrile attendait impatiemment les montréalais de We Are Wolves et leur électro-rock agressif. Malgré des problèmes techniques et probablement l’un des pires sons du week-end, ce qui aurait pu être désastreux pour le groupe s’est transformé en une performance mémorable grâce à leur énergie du diable et aux spectateurs enflammés qui ont continuellement contribué à l’enivrement du trio. Difficile de suivre ce genre de performance mais, malgré une foule considérablement amincie, le groupe de reggae-fusion torontois IllScarlett a conclu le tout en livrant la marchandise avec une exécution impeccable.

En somme, il est désormais clair qu’on a là un événement des plus éclectiques qui vient d’atteindre pleine maturité et qui nous emplit de merveilleuses promesses pour les éditions à venir. À l’an prochain fiston!