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Comment Justin Trudeau est devenu un homme

Mercredi soir, je suis allé à la première à Québec de God save Justin Trudeau, un documentaire sur le combat de boxe Trudeau-Brazeau, en 2012, signé Éric Ruel et Guylaine Maroist.

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Ce n’est pas un film sur la boxe, même si on voit des séances d’entrainement des deux pugilistes. Et le combat, évidemment. Ce n’est pas seulement un documentaire sur le combat, sur ce cirque médiatique, sur cette blague politique, c’est davantage un film sur la manière de faire de la politique aujourd’hui.

Sans savoir qu’il allait gagner le combat – il était à 5 contre 1 -, les deux documentaristes ont décidé de suivre davantage Justin Trudeau. On y voit Justin sortir des phrases énormes, qui en disent long sur lui, et sur comment il voit le jeu politique. «Je suis sur la Terre pour ça», dit-il à sa femme, peu avant le combat, «je me bats et je gagne.» Et elle qui lui rappelle de rester humble.

Candidement, il admet dans une entrevue avoir fait ce combat pour changer son image. Trouvant qu’on le sous-estime, qu’on l’infantilise, qu’on le trouve faible, ce combat était une manière de le montrer fort et gagnant.

Ce combat, aussi spectacle et anecdotique soit-il dans un parcours politique, a pourtant eu d’importantes conséquences. Autant pour Brazeau que pour Trudeau.

Le perdant a littéralement tout perdu. Arrêté pour violence conjugale et possession de drogue, il a aussi été au coeur d’entourloupettes financières au parlement. Il a été littéralement largué, abandonné par les Conservateurs après le combat. Est-ce que tout serait arrivé s’il avait gagné? Probablement pas. Il faut voir son regard entre les deuxième et troisième rounds, perdu, apeuré, sentant qu’il vient de perdre la face, la crédibilité et sûrement plus.

À l’inverse, Trudeau est devenu un gagnant. De député d’arrière-ban, il est devenu le chef du parti Libéral et est présentement l’aspirant le plus probable au titre de prochain Premier ministre du Canada. Certains se moquent encore de lui, mais plusieurs ont changé d’avis après ce combat. Le fils à papa est maintenant capable de péter la gueule à quelqu’un. Aussi bête que ça.

L’un est à quelque mois de peut-être devenir chef d’un pays, l’autre est passé de sénateur à gérant d’un bar de danseuses.

On y voit finalement tout le problème de la médiatisation au XXIe siècle, de la politique-spectacle. Une question d’image. Les documentaristes ont essayé d’avoir du contenu dans leurs longues entrevues avec les deux vedettes du documentaire. «On n’en avait pas, malgré tout ce qu’on a tourné», ont-ils dit en répondant à une question après la projection.

Certains trouvent que le documentaire aide Justin Trudeau, en le montrant en gagnant. D’autres trouvent au contraire que ça montre qu’il n’est qu’une image. Ce qui ressort, au bout du compte, c’est que Justin la manipule bien cette image. Il a un don de la mise en scène, même dans ses maladresses. Dans ses propos, on peut voir qu’il affronte la joute politique comme il a mené son combat: il encaisse les coups, garde son calme, et laisse les autres s’essouffler, en gros. On voit même déjà comment il impose ses couleurs au parti.

Surtout, je trouvais ce combat déjà fascinant dans son existence même, dans le cirque qui l’a entouré, les coulisses ne font que me fasciner encore plus. À voir, si vous pouvez!

Pour en savoir plus sur le documentaire.