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#JeSuisCharlie et je suis essentiel

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Depuis ce matin, je vois les nouvelles, les articles, les caricatures, les pensées, bref, tout converge vers les attentats contre Charlie Hebdo. Des trucs touchants, déstabilisants, parfois inutiles. Dans le lot, il y a toujours un peu de surcharge ou de surabondance, et je me répète, chaque fois: «n’embarque pas ce cirque si ce que tu as à dire n’apporte rien de plus.»

Habituellement, je suis bon là-dedans. Je me trouve rarement plus pertinent que les autres. Il est vrai que je trouve beaucoup de gens cons, mais je me trouve rarement mieux. Très rarement.

Travailler dans les médias est particulier. Contrairement à l’infirmier qui soigne un patient, au professeur qui voit ses élèves absorber ce qu’il montre (en théorie), à la dentiste qui te bouche une carie, à l’avocate qui peut combattre l’injustice, il y a quelque chose d’abstrait dans le travail médiatique et l’impact de notre travail demeure souvent flou.

Combien de gens dans la salle sont là parce que j’en ai parlé dans un article ou en ondes? Un débat public important qui ne lève pas, même si on essaie de démontrer son importance. Ploguer une mauvaise émission du réseau parce que les patrons insistent. Avoir des clics quand on parle de la robe d’une vedette. Partager un vidéo d’un truc «dont on n’en reviendra pas».

L’impact ou le rôle des médias est parfois bien intangible. Quand Jeff Fillion ou Sylvain Bouchard disent qu’ils n’ont pas autant d’influence que certains le prétendent, je ne doute pas qu’ils le pensent vraiment, même s’ils en ont.

L’impact ou l’influence médiatique est difficilement discernable. Les BBM et compagnie sont une méthode merdique de le faire et ça ne vaut pas grand-chose, mais c’est à peu près tout ce qui existe avec les commentaires ici et là provenant de lecteurs ou d’auditeurs.

Lorsque je suis passé dans le tordeur des compressions de Radio-Canada le printemps dernier, j’ai eu cette impression de faire un métier qui manquait de concret. C’est toujours cette envie de participer à une démocratisation du savoir, à nourrir les débats et à mettre en lumières des artistes ou des enjeux méconnus qui m’a motivé. Le droit de réserve qu’oblige ce métier me donne parfois l’impression d’être étrangement inactif dans certains débats, de ne pas participer concrètement à une lutte, d’être plus spectateur qu’acteur.

Je crois ardemment à l’idéal médiatique. Dans sa pratique, toutefois, il y a parfois quelque chose de frustrant ou de démoralisant. Je n’ai jamais fait ce métier pour ploguer des produits et encore moins pour devenir moi-même un produit.

Puis bang! Ce matin, un événement qui m’hypnotise: les attentats au Charlie Hebdo. L’impact d’un média qui pète en pleine face. Oui, ça peut avoir un tel effet. Jusqu’à ce point-là. Il y a quelque chose de surréaliste, mais c’est ça.

Je ne crois pas que j’assumerais tout ce qu’a pu publier le Charlie Hebdo – je n’étais pas un lecteur, si ce n’est de l’avoir déjà feuilleté quelques fois et vu des trucs qu’ils ont fait à gauche (surtout) et à droite, sur Internet. Mais l’idée n’est pas d’appuyer tant les propos du média que ce que ça représente.

La mort des artisans du Charlie Hebdo me ramène à l’importance des médias, à leur rôle essentiel dans le débat public, dans le brassage d’idées.

À tous mes collègues qui déterrent des histoires que plusieurs voudraient laisser sous terre, à tous mes collègues qui donnent leur opinion, même les plus imbéciles, à tous mes collègues qui tourne en dérision des moments tragiques avec leur plume, à tous mes collègues qui mettent le doigt sur le bobo, même lorsqu’ils se trompent de bobo ou ne pèsent pas au bon endroit, voyez comment notre travail a un impact concret.

Nous sommes tous des Charlie, même ceux à droite, et nous sommes tous essentiels. Nous ne brassons pas toujours la cage comme Charlie – et nous ne pouvons pas que faire ça. Malgré tout, notre rôle est primordial et nous oblige à bien le faire. Comme l’a dit Ben Parker à son neveu: de grands pouvoirs amènent de grandes responsabilités. Soyons à la hauteur de cette responsabilité avec intelligence.