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Lettre à un jeune justicier

* Ainsi, tu as décidé de poursuivre en justice les associations étudiantes, les recteurs et peut-être même le gouvernement pour manifester ton désaccord avec les actions politiques de ton association étudiante.

Parfait.

Je ne partage ni ta colère ni ton diagnostic, mais on est dans un pays libre.

LA COUR, DERNIER RECOURS

Je comprends que la justice exerce un certain attrait pour les jeunes. C’est romantique, lyrique, et ça fait de belles histoires à se raconter le soir, au coin du feu.

Veux-tu « avoir l’air big » ou changer les choses ?

Mais il y a une chose que je ne comprends pas…

La justice, c’est censé être le dernier recours.

On se présente à la cour quand on n’a nulle part où aller. Quand toutes les issues sont bouchées, et toute parole de dissidence, réduite par la force au silence.

Voilà pourquoi les pires atrocités et absurdités s’y retrouvent.

Parce que c’est à la cour que se déjouent les injustices et les impasses sociales. C’est la seule porte de sortie, la seule avenue possible.

Quand toutes les embouchures d’un fleuve sont bloquées, il sort de son lit et inonde les terres.
Or, ce n’est pas le cas ici.

Tu trouves que la décision de l’association qui a été DÉMOCRATIQUEMENT VOTÉE (et qui serait encore DÉMOCRATIQUEMENT VOTÉE s’il y avait une assemblée cette semaine) est trop à gauche à ton goût?

Milite pour tes idées.

IMPLIQUE-TOI !

Aide à sortir les verts du silence majoritaire.

Va aux réunions. Va rencontrer les autres étudiants. Présente tes idées. Implique-toi.

Après tout, on ne parle pas ici de réunions tenues en secret pour comploter, mais d’une formation en bonne et due forme, qui a pignon sur rue et un numéro de téléphone dans le bottin.

Tu rêves d’une association qui vote contre la grève? Parfait. Cesse d’envoyer des mises en demeure et mets l’épaule à la roue.

Les comités étudiants t’attendent.

Oh, je sais, militer dans une association est plus long, plus fastidieux et moins excitant que d’envoyer des menaces à des universités et à des gouvernements avec des mises en demeure.

Mais pose-toi la question.

Quelles sont tes motivations? Veux-tu vivre un trip personnel ou veux-tu changer réellement ta société?

C’EST TON CHOIX

Tu sais à quoi rêvent les idéalistes, dans les pays totalitaires? De pouvoir militer dans une association étudiante, de faire avancer leurs idées en toute sécurité, sans craindre la prison, l’hôpital ou la morgue.
Un vote à la fois.

Eh bien, tu as ce luxe, toi. Tu peux le faire. Personne ne t’en empêche.

Pourquoi ne le fais-tu pas?

Qui sait, peut-être que tu te fous de changer vraiment les choses.
Peut-être ne penses-tu qu’à te faire un nom.

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* Pastiche de Lettre à un jeune manifestant de Richard Martineau.