BloguesVol de temps

Nous sommes tous des criquets!


Nous disons haut et fort aux médias marocains qui ont traité les migrants subsahariens d’« invasion de criquets noirs », nous sommes tous des « criquets ».   En insultant ces personnes venues survivre sur la terre du Maroc, vous insultez des siècles d’accueil et d’hospitalité de notre pays.

Nous vous rappelons que le fondateur de l’État marocain,  était un « criquet ».  Il y a 12 siècles, Idriss premier avait choisi le Maroc comme terre d’exil pour échapper au régime abbasside qui le pourchassait.  Il a été accueilli par le chef d’une tribu berbère qui lui a offert sa fille comme épouse. C’est sur la base de cette hospitalité d’un « criquet berbère » envers un « criquet arabe » que le Maroc a pris son envol.

Le Maroc est fait de toutes ces alliances entre « criquets » de différentes couleurs et différentes origines, notamment ceux venus d’Afrique.  Tous ces « criquets » ont fait du Maroc un trésor de cultures. Sans les « criquets noirs » la musique marocaine ne serait pas aussi riche, aussi rythmée et aussi spirituelle.  Sans les « criquets andalou« , le Maroc ne serait pas devenu aussi raffiné en architecture, en cuisine et en musique.

Les nouveaux « criquets noirs » ne sont pas arrivés au Maroc dans les meilleures conditions. Plusieurs ont traversé à pieds les différentes frontières avant d’atterrir dans nos rues et nos boulevards.   Malgré la précarité de leurs conditions de vie, à défaut de réaliser le rêve européen, ils se sont contentés d’un destin marocain.

Le destin des subsahariens au Maroc est particulièrement douloureux.  Dans les rues, on pratique envers eux le pire des mépris, l’indifférence.  Mais aussi douloureux soit-il, comparé à leurs situations aux pays d’origines, ils préfèrent restés au Maroc que de revenir bredouille.

En attendant d’améliorer leur sort, les migrants subsahariens du Maroc survivent comme ils peuvent.  La moindre des choses est de leur épargner les insultes.  Comme s’ils ne souffraient pas déjà assez des affres de l’exil, voilà maintenant certains journaux marocains qui racolent dans les bas fonds des instincts grégaires et primaires.

Comment, ces journaux, osent-ils cautionner le rejet, le racisme, les idées rétrogrades et la discrimination ? Le temps de l’esclavage est révolu, les médias devraient être les premiers à le rappeler.   Rappeler aussi que ces hommes et ces femmes, aussi démunis soient-ils, ils apportent avec eux et en eux une mémoire africaine qui devrait nous enrichir.   On devrait leur parler, échanger avec eux, écouter le récit de leurs aventures et surtout les entendre chanter.   Autrement dit, que leur culture se manifeste pour mieux faire leur connaissance.

Heureusement qu’il existe des hommes et des femmes de conscience qui refusent de faire le jeu de la stupidité, de la bêtise et de l’indifférence.  Que leurs voix s’élèvent, qu’elles soient entendues.  Ces voix se sont unies dernièrement pour former un immense mouvement de solidarité  suite à l’arrestation dans la nuit du 20 au 21 octobre 2012 de Camar Laye, connu comme un défenseur des droits des subsahariens au Maroc.

Si l’Afrique est aux africains,  les « criquets noirs » sont chez-eux au Maroc.  Comme dirait ma grand-mère « Quand il y en a pour deux, il y en a pour trois ».

 

Mohamed Lotfi

Majid Blal