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Sommes-nous trop gentils avec nous-mêmes ?

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« Sommes-nous trop gentils avec nos prisonniers? ».

Une drôle de question, posée par Sophie Durocher à sa dernière émission Open Télé qui a donné l’occasion à différents invités d’y répondre.

En attendant qu’un jour une commission parlementaire puisse lever le voile sur les ambiguïtés qui entourent le système carcéral dans l’opinion publique, je me permet de poser quelques questions:

Sommes-nous trop gentils avec nous-mêmes parce que nous nous sommes donnés un système de justice fondé sur des principes qui reconnaissent la primauté du droit  ?

Sommes-nous trop gentils avec nous-mêmes parce que nous nous sommes donnés un service correctionnel qui reconnaît le droit des personnes incarcérées à redevenir des citoyens responsables ?

Sommes-nous trop gentils avec nous-mêmes si nous faisons de la réhabilitation des personnes incarcérées une des priorités de nos programmes sociaux..?

Sommes-nous trop gentils avec nous-mêmes lorsque l’Assemblée Nationale du Québec vote des résolutions (en notre nom) demandant au gouvernement fédéral de préserver la philosophie québécoise en matière réhabilitation des jeunes délinquants ?

Sommes-nous trop gentils avec nous-mêmes pour conserver et developper une valeur qui fait consensus au Québec: La réhabilitation des personnes contrevenantes ?

Sommes-nous trop gentils avec un détenu parce qu’on lui a permit d’obtenir son secondaire V ou son certificat d’études collégiales en prison ?

Sommes-nous assez gentils avec nous-même, en tant que société civilisée pour ne pas laisser le sentiment de vengeance dicter nos politiques en matière de justice et de service correctionnels ?

Sommes-nous assez gentils avec nous-mêmes pour nous rappeler qu’aucune sentence, qu’aucune prison, même la plus cruelle, la plus méchante ne redonne vie à une personne assassinée ?

Sommes-nous assez gentils avec nous-mêmes pour ne pas nous laisser berner par un pouvoir fédéral conservateur et obscurantiste qui nous prépare, tranquillement mais sûrement au rétablissement de la peine de mort ?

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Les juges, les gardiens, les directeurs de prisons n’ont pas à être gentils ou méchants envers les personnes incarcérées. Leur rôle est d’appliquer la justice. Le rôle de la justice c’est d’être juste.

Toutes les critiques qui exigent de la justice d’être justes dans le respect du droit et des droits humains sont nécessaires.  On peut toujours faire plus et mieux pour rendre notre justice plus moderne et notre service correctionnel plus avant-gardiste.

« En Norvège, sur l’île de Bastøy, dans le fjord d’Oslo, il existe une prison sans barreaux ni barbelés. Les 115 détenus qui s’y trouvent sont – meurtriers, violeurs ou petits truands – Ils vivent dans des maisons de bois en faisant de la culture et de l’élevage. Ils s’occupent de 195 poules, 40 moutons et 20 vaches, et font pousser pommes de terre, haricots, céréales et fraises. Le tout 100 % bio. Pesticides et engrais sont interdits. Pas de tracteur : on laboure avec des charrues tirées par des chevaux. Les prisonniers ont participé à l’installation de panneaux solaires et recyclent tout ce qui peut l’être. “Ce que nous voulons, c’est responsabiliser les détenus, leur donner confiance en eux, et leur apprendre le respect”, confie à Reuters Oyvind Alnaes, directeur de la prison. Ce sont d’ailleurs des prisonniers qui gèrent le ferry reliant l’île au continent. Rares sont ceux qui tentent de jouer la belle. Une tentative d’évasion, et c’est la prison de haute sécurité.

http://www.actualites-news-environnement.com/11473-prison-ecologique-norvege.html «

Seront-nous trop gentils avec nous-mêmes si on suivait l’exemple des pays meilleurs que nous en matière de réhabilitation au lieu se laisser tenter par les pire que nous..?

J’ose croire et espérer que poser la question, c’est y répondre.

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Le 12 décembre 2014, même pas 10 mn après l’entrevue que j’ai accordée à Anne-Marie Dussault à RDI pour souligner le 25me de Souverains anonymes, j’ai croisé un Souverain. Au bord des rails du métro Berri-UQAM, il m’a raconté ce qu’il est devenu cinq ans après sa sortie de la prison de Bordeaux. Dans quelques semaines il allait être nommé en France dans une grande entreprise d’aérospatiale. Salaire de départ 120 000$. Après avoir complété son secondaire cinq en dedans, il a entrepris des études en génie. De longues études universitaires qu’il poursuit dans des cours de soir. C’est vers là qu’il allait.. À Souverains anonymes, il était poète. Il patentait avec les mots des univers étranges et merveilleux. Avant de me quitter, il m’a demandé comment vont les gars en dedans, j’ai répondu qu’ils venaient de passer une bonne journée.. « Avec quel invité..? », j’ai répondu « Beaucoup d’invités et une médaille de l’Assemblée Nationale ».. Il a posé son sac par terre avant de répliquer « Tu vas m’en envoyer un p’tit bout ».. Mais bien sûr, il te revient de droit.  Et puis il m’a dit merci de ne lui avoir jamais demandé pour quel crime était-il en prison..

Avons-nous été trop gentils avec cet ex-détenu devenu aujourd’hui un citoyen Souverain de son destin ?

Pour répondre à la question, fallait-il d’abord qu’un grand média en parle.  Parler des parcours de réhabilitation des milliers d’hommes et de femmes qui ont entamé la reconstruction de leurs vies avant même de quitter la prison..?

Rap des hommes rappelles, est un programme que j’ai conçu et dirigé pendant 4 ans, spécialement adressé aux jeunes issus des gangs de rue. C’est dans ce programme que le jeune poète devenu ingénieur a trouvé un lieu d’expression et de création:

Cliquez et écoutez une de ces créations.