Musique

Badmarsh + Shri : Orient express

Jusqu’à maintenant, le mouvement Asian Underground de Londres, le précurseur Talvin Singh, le pop de Cornershop, le dynamisme engagé d’Asian Dub Foundation ou le radicalisme de Fun*Da*Mental, nous a démontré que les influences sud-asiatiques pouvaient prendre différentes saveurs. La dernière en liste est un amalgame instrumental de breakbeats, de drum’n’bass, de rythmes downtempo, de basses électriques, de tablas et de flûte. Le responsable de l’aspect technologique s’appelle Badmarsh, D.J. et remixeur de Londres; celui de l’aspect traditionnel, c’est Shri, compositeur et instrumentiste de Bombay. «La première fois qu’on s’est rencontrés, explique Shri depuis leur studio londonien, c’était par le biais de notre compagnie de disques Outcast Records. Plus précisément pour travailler sur la pièce Dancing Drums, titre devenu celui de notre album; et on s’est entendus presque instantanément. À partir de là, il ne restait plus qu’à mieux se connaître et à comprendre où l’autre voulait aller musicalement. Ça nous a pris un mois pour définir ce qu’on avait envie d’accomplir avec ce projet, et seulement quelques jours de studio pour l’enregistrer. La chimie a opéré très rapidement, et le résultat représente à parts égales nos deux visions.»

Effectivement, alors que l’on a souvent l’impression, à l’heure de l’inévitable mondialisation, que les musiques «ethniques» sont souvent utilisées comme de simples ingrédients «exotiques» pour épicer de plus fades musiques occidentales, avec Dancing Drums, Badmarsh + Shri ont, au contraire, réussi à bien doser, de sorte que l’on sent un profond respect des deux cultures en présence. Une façon de faire qui, selon Shri, pourrait profiter également à tout le mouvement Asian Underground si elle était plus répandue: «Je crois que ce qui devrait ressortir en bout de ligne de ce mouvement musical, ce n’est pas tant qu’on juxtapose les musiques indiennes et occidentales comme si ce n’était qu’une bonne idée, mais qu’il s’agit plutôt de notre propre langage musical, issu de notre bagage culturel qui est métissé par définition. C’est la vision indienne de la musique moderne, pas de la musique moderne aux influences indiennes…»

«On ne veut pas introduire de messages politiques ou religieux dans notre musique, continue Shri. Pour nous, le message le plus important, c’est la musique en elle-même et les différentes utilisations que l’on peut en faire. De toute façon, la seule collision des univers musicaux occidentaux et sud-asiatiques est un acte politique en quelque sorte. Mais on n’est pas toujours obligé d’utiliser les mots pour passer un message, on peut être plus subtil…»

Pour leur première tournée nord-américaine (neuf spectacles en tout), Badmarsh sera derrière ses échantillonneurs, tables tournantes et autres claviers; Shri, à la basse ou à la flûte; et ils seront accompagnés par Aref, un joueur de tablas, et par la chanteuse Tina Grace que l’on peut entendre sur The Air I Breathe, la seule pièce chantée sur Dancing Drums. Un concert qui a fait le tour des festivals européens l’été dernier, et qui devrait vous convaincre de la pertinence d’un mouvement qui semble aller bien au-delà de l’étiquette réductrice de «saveur du mois».

Le 11 avril
Au Tokyo
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