Musique

Bob Log III : Conditionnement physique

«I’m a one man band!» est la première chose que Bob Log III a voulu préciser. Puis, l’homme-orchestre de Tucson, en Arizona, s’est lancé dans une explication détaillée. Le pied droit martèle le bass drum, le gauche a deux options: ou bien il entretient une cymbale ou alors il active une machine à rythmes. «Finalement, de poursuivre Log, c’est comme si je pédalais sur un vélo d’exercice, et je ne peux pas ralentir puisqu’il faut maintenir la cadence d’un bout à l’autre de la chanson. Pour tenir le coup, je bois du Gatorade. Crois-moi, c’est vraiment du sport.»

Voilà pourquoi les chansons de School Bus, son seul disque, durent rarement plus de deux minutes: elles commandent une performance aérobique. Mais de quoi parle-t-on au juste? D’une musique de garage, brute et rudimentaire. D’une opération trash décousue, avec le blues comme prétexte. D’un numéro à la fois cabotin, sale et drôle. Tout à fait à l’image de son label, Fat Possum, qui se fait un devoir d’élever le rustre au niveau d’un genre musical à la mode. Pensons à R.L. Burnside (Ass Pocket Of Whiskey, Mr. Wizard) à T-Model Ford (le vieux Mississippien ne vient pas au Canada parce qu’il aurait tué sept personnes), au jeune groupe 20 miles (qui fait penser aux Red Devils) ou à Johnny Farmer (qui conduit des bulldozers le jour et se satisfait d’un vieux Peavy le soir). Tous ces durs à cuire sont à l’enseigne Fat Possum que dirige le jeune et non moins mal élevé Matthew Johnson. Et en plus, son distributeur, Epitaph, fier de sa nouvelle association avec Tom Waits (Mule Variations sort le 27 avril) a déjà donné beaucoup côté punk. Voyez le contexte?

Mais le Bob Log de la troisième génération ressemble davantage à un kid qui expérimenterait dans son sous-sol plutôt qu’à un bluesman. Qui aimerait l’idée du blues, tout comme G Love and Special Sauce et Beck l’aiment. En surface. Pour déstabiliser tous ceux qui prennent trop le genre au sérieux. Ah oui, j’allais oublier, Bob Log III joue toujours avec un casque de moto sur la tête…

«Tout ce que je t’ai dit sur mon jeu de pieds, c’est secondaire. Avant tout, je joue de la slide guitar. Ma main gauche bouge tellement vite, on dirait le métacarpe d’un singe. J’adore les cadences débiles (crazy rythms), et on m’a accusé de jouer du pool party techno blues. Ce qualificatif me convient parce que j’aime ça, un bon party. À la fin, les filles me lancent leurs sous-vêtements.» J’interviens en lui mentionnant que Tom Jones, lui, reçoit des soutiens-gorge au visage. Il rétorque innocemment: «Did that happen to Tommy?»
«Lorsque j’étais avec Doo Rag, s’est-il plu subtilement à raconter, we kicked some fuckin’ ass! Je pouvais, à l’époque, compter sur un batteur. Mais, cette fois, ou bien je restais à la maison à me fouiller dans le nez, ou bien j’apprenais à jouer de la batterie avec mes pieds. C’est la plus grande différence. Mon concept d’homme-orchestre, c’est juste une autre façon de montrer aux gens comment avoir beaucoup de plaisir…»

Si ses chansons ressemblent davantage à de courts passages, presque à des intermèdes sonores, il s’en dégage un humour résolument collégien (Big Ass Hard on et Land of Thousand Swirling Asses) et pipi caca (I Want Your Shit on My Leg). Inopiné? Ben voyons! On l’a vu venir de loin, le petit comique.

Le 14 avril
Au Jailhouse
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