Notes : São
Musique

Notes : São

São est belle et plutôt grande. Pas forcément l’image qu’on se fait d’une chanteuse de fado, genre austère et dramatique à souhait. Son idole, Amalia Rodrigues, haute comme une Piaf, clamait sa douleur en robe longue, drapée dans un châle noir. «Pourquoi pas en pantalon? me demande sans malice la chanteuse montréalaise. Je ne me prends pas pour une autre, et j’aime les affaires simples.» Son péché glamour n’est donc pas un sacrilège.«On peut rester sobre avec classe. Ce qui compte, c’est l’intégrité, l’expression naturelle.»

São est née sous le soleil des Açores, mais elle a grandi sur un îlot loin du Portugal, qu’on appelle le Plateau Mont-Royal. Des gens simples; très proches de la tradition, parfois même recroquevillés sur leur paroisse et leur communauté. Certains n’apprendront jamais le français. «Le risque, c’est qu’on finisse par s’autosuffire, dit celle qui a chanté dans la chorale de l’église de la rue Rachel jusqu’à l’âge adulte. Ce qui fait la beauté de Montréal, c’est de vivre un peu avec tout le monde. Moi, j’ai assimilé la culture québécoise tout en gardant mes racines. Il me reste donc à partager ce que j’étais, ce que je suis devenue…»
Résultat: un premier album tout chaud réalisé par nul autre André Di Cesare, et qui remporte en ce moment un succès non négligeable. Son titre? Paixào de Fado / Passion fado. En deux langues. Douze chansons version portugaise et, sur un deuxième compact, les mêmes douze titres dans notre langue, adaptés par l’interprète elle-même. «Why not? rétorque São. Le portugais chez moi est aussi fort que le français.» Fallait oser!

Ce qui risque de passer soit pour un gimmick de marketing, soit pour une première sensationnelle pourrait bien être en fait un cas classique de double identité parfaitement assumée. Choisies avec l’aide d’un connaisseur, Carlos Ferrera, certaines chansons du répertoire plairont à ceux et celles qui aiment le tango ou la morna, mais l’apport d’un trio de musiciens québécois et d’un batteur d’origine haïtienne donne à ces fados, d’influence arabe ou brésilienne, une couleur assez différente des versions originales. «On a restructuré, dit São. On a innové. On est allé chercher ce que nous sommes ici.» Les 13, 14, 16 et 17 avril, au Studio-théâtre du Maurier de la Place des Arts. (Ralph Boncy)

Sparklehorse
Mark Linkous est un miraculé. Sans le travail acharné de l’équipe médicale qui l’a pris en charge après son accident, il serait probablement mort de l’overdose de Valium et d’antidépresseurs qui l’a laissé plié en deux sur le plancher de sa chambre d’hôtel lors d’une tournée anglaise. Nous serons éternellement reconnaissants envers ces professionnels de la santé, grâce à qui Linkous a pu raviver son groupe, Sparklehorse, le temps de créer l’un des meilleurs disques de l’année, le glorieux mais tortueux Good Morning Spider. On aurait bien voulu parler à Mark Linkous de son retour à la vie, mais comme tous les grands ressuscités, l’homme avait mieux à faire que de donner des interviews téléphoniques. Tant pis: on gardera une image floue et quasi mythique de cet homme qui habite la campagne virginienne en compagnie de sa femme, de sa collection de motos italiennes, et d’une basse-cour d’animaux en tous genres. Traînera-t-il avec lui la panoplie de machines bizarres (dont un échantillonneur Toys’R’Us, un Optigan et un concertina) qui ont servi à la confection de Good Morning Spider? Tout ce dont on peut être certain, c’est qu’il sera accompagné d’un groupe formé de l’ex-Camper Van Beethoven Jonathan E. Segel; du bassiste de Cracker, Bob Rupe (qui remplace son bassiste habituel, recyclé dans la musique classique); et de la violoncelliste Sophie Michalitsianos. Tout ce beau monde sera sur la scène du Jailhouse, le 13 avril. (Nicolas Tittley)

Jurassic Snatch Show 2
Pour une deuxième année, les Productions Jurassic Snatch invitent les métalleux de toutes catégories à encourager la scène locale à prix modique. La soirée débutera avec Mental Disorder, un groupe de Rimouski spécialiste des grooves-métal infectieux. Suivi de la formation Kralizec, composée de musiciens influencés par le black norvégien et le death. Ensuite, vous pourrez vous dilater la rate avec les Wacky Pack Of Lobstermen From Mars featuring The Lobsterchicks, et encourager Franfif, le nouveau bassiste du quartette réputé pour ses reprises de vieilles chansons des années soixante reconverties en death’n’roll. Martyr, du Cap-de-la-Madeleine, sera aussi présent avec son métal mélodique et complexe. Démence terminera la soirée en présentant de nouveaux morceaux de son prochain compact très attendu, sans oublier, bien sûr, ses plus grands succès. Pour la modique somme de sept dollars. Le 10 avril, à la Salle de l’X. (Christine Fortier)

The New Deal
Ce trio torontois issu des formations One Step Beyond, ¡Que Vida! et Gypsy Soul semble assez fier de n’utiliser que de «vrais» instruments pour exécuter leurs très longues improvisations (pouvant durer plus d’une heure trente sans interruption), qui mélangent funk, dub, ambient, rock progressif, jazz et même drum’n’bass, grâce à l’agilité du batteur Darren Shearer, qui y va même de quelques démonstrations de beatbox humain à peine ironique, sur leur plus récent album intitulé This Is Live. Ce disque, sorti sur étiquette Sound & Light Records (un collectif de musiciens indépendants de Toronto), fut enregistré durant deux spectacles dont on a tiré le meilleur des improvisations de chaque soirée. Une façon de faire groover les instruments électriques ou les claviers analogiques, dont les structures rappellent parfois celles des musiques électroniques, mais avec toute la chaleur requise pour rassasier les amateurs de jazz. Le 10 avril, au Swimming, et le 11, au Jingxi. (Eric Parazelli)

Joe Williams
La nouvelle de la disparition du chanteur de jazz Joe Williams, à l’âge de quatre-vingts ans, laisse entrevoir une évidence criante: l’extinction de cette race. Si Tony Bennett et Mel Tormé sont désormais les deux seuls crooners survivants, la mort de Joseph Goreed Williams nous rappelle qu’une carrière comme celle-là, on n’en retrouve plus aujourd’hui. Redoutable chanteur de ballades, à la voix caverneuse et grave, habité d’une dignité et d’un classicisme oubliés, le baryton était d’une espèce rare. Bien que Memphis Slim ait écrit Every Day I Have the Blues, Williams l’aura propulsée dans le firmament avec une interprétation solide et décontractée. Bien qu’il fût connu pour sa longue collaboration avec Count Basie (la succession de Jimmy Rushing fut lourde à assumer), il aura aussi chanté avec Lionel Hampton, Coleman Hawkins, Pete Johnson et même Oliver Nelson. Joe Williams incarnait la quintessence des chanteurs de jazz. (Claude Côté)