Musique

FestiMuses : Connaître ses classiques

Combien de gens connaissent les compositeurs québécois Serge Garant ou Claude Vivier? C’est justement le but de FestiMuses, le premier festival consacré aux compositeurs «classiques» d’ici.

L’événement nouveau-né qui porte le joli nom de FestiMuses se veut un festival voué aux compositeurs et compositrices «classiques» du Québec. Une idée qui semble si évidente qu’on se retrouve surpris de constater qu’il n’existait pas encore, chez nous, d’organisation de ce type. FestiMuses est le fruit d’une réflexion sur l’absence d’événements aptes à mettre en valeur la création musicale québécoise d’inspiration classique – ce terme étant pris dans son acception la plus large. Normand Beaudoin-Bellart, le directeur artistique du festival et son instigateur, réfléchissait depuis plusieurs années à ce phénomène particulier qui fait de la musique classique d’ici la parente pauvre de notre vie culturelle. En effet, qui n’a jamais entendu parler de Nelligan, de Riopelle? En comparaison, combien de Québécois connaissent les noms de Serge Garant ou de Claude Vivier, pour ne citer que les compositeurs les plus importants, ceux qui ont laissé une empreinte indélébile sur la musique québécoise?

«Dans toute l’explosion de la culture qu’a connue le Québec dans les années 60-70, situe Normand Beaudoin-Bellart, il y a eu une prise en charge de la peinture, du théâtre, de tous les domaines de la création artistique, sauf peut-être de la musique, qui est restée plus discrète. Or, nous avons des compositeurs qui sont joués ici et à l’étranger, beaucoup plus qu’on ne le dit et qu’on ne le pense. Il y a clairement un mécanisme d’intégration qui manque.» FestiMuses veut être ce mécanisme d’intégration, ou du moins une partie de celui-ci. En réalité, son fondateur rêve de mettre en branle un processus beaucoup plus général qui amènerait le public québécois et les diffuseurs à considérer qu’il existe bel et bien une musique de valeur faite chez nous.

On l’aura peut-être compris, FestiMuses n’est pas un festival de musique contemporaine. Normand Beaudoin-Bellart explique: «Le but principal est de mettre en valeur la musique classique composée ici. Et ça, ça englobe un peu tout. La musique, au Québec, avant les années 60, était enseignée dans les couvents. Après, les gens ont découvert la musique moderne, entre autres grâce aux cégeps et au développement des facultés de musique dans les universités, où on la mettait de l’avant. Nous, ce n’est pas vraiment ce qu’on veut faire. On ne veut pas l’exclure, mais on ne veut pas non plus la privilégier. On veut plutôt regarder s’il n’y a pas une musique vivante de compositeurs qui, simplement, trouvent de nouveaux langages qui savent plaire au public.» Le directeur artistique évoque quelques noms qui sont inscrits à la programmation de la première édition de FestiMuses: André Prévost, Jacques Hétu, François Dompierre, Denis Gougeon, ainsi que des compositeurs semi-classiques tels qu’André Gagnon, par exemple. «J’aime mieux avoir un créneau un peu plus étroit et être permissif, plutôt que d’avoir un mandat très large et d’être obligé de refuser beaucoup d’ouvres.»

Le fonctionnement de FestiMuses est assez original. Un ensemble d’organismes se sont réunis sous l’égide du festival, chacun organisant son ou ses propres concerts, avec des artistes différents. Ainsi, on retrouve des organismes comme le Pavillon des arts de Sainte-Adèle, le Centre culturel et communautaire de Prévost, ou même l’Orchestre symphonique de Laval. Dans chaque concert, les invités se doivent d’interpréter au moins une ouvre d’un compositeur québécois. «Ce n’est pas uniquement un festival de musique québécoise, précise le directeur, parce que ce aurait demandé énormément de matériel, que c’était beaucoup demander aux artistes et parce que ça n’est pas vraiment le but. Nous ne voulions pas enlever le reste du répertoire pour laisser la place uniquement aux Québécois. Il s’agit plutôt de permettre aux compositeurs d’ici de voir leurs ouvres participer à l’ensemble des ouvres présentées au public.»

Les partenaires de FestiMuses sont de trois ordres: des services de loisirs municipaux, des organismes semi-indépendants comme le Comité culturel de Prévost, et des organismes complètement indépendants, comme l’Orchestre symphonique de Laval. «Le projet s’est fait parce qu’on a rencontré tous ces gens-là et qu’on leur a soumis notre idée, rapporte le fondateur. À tous les endroits où je me suis présenté, on me disait: mais comment se fait-il que ça n’existe pas? C’était encourageant, mais ça représente beaucoup de travail!» Musicien, compositeur par passion et inventeur pour gagner sa croûte, Normand Beaudoin-Bellart est prêt à tout pour faire avancer la cause de la musique québécoise. Déjà, les organisateurs pensent à une Maison des compositeurs qui fonctionnerait en annexe du festival. «Cette maison-là aurait plusieurs mandats, comme réunir les ouvres, créer des studios pour enregistrer de la musique, et même faire la promotion de notre musique auprès des réalisateurs de télé ou de cinéma, par exemple. Il faut encourager le développement d’une musique sérieuse qui soit en même temps accessible pour les gens qui en ont besoin.»
Normand Beaudoin-Bellart rêve même de voir un jour les maisons de la culture avoir régulièrement un compositeur en résidence. Mieux, il imagine les courtiers en art vendant des ouvres musicales aux grandes compagnies prêtes à investir dans la culture. On peut se laisser aller à rêver aussi: quand trois ou quatre ouvres d’un compositeur auraient été achetées, la valeur monterait. Les acquéreurs pourraient faire jouer les oeuvres qui leur appartiennent, en les laissant à la disposition des interprètes. «Mais la musique est intangible, revient aussitôt sur terre l’instigateur de FestiMuses. Il faudrait mettre la partition dans un beau cadre en bois, et qu’on puisse la toucher!»

En attendant l’accomplissement de ce fantasme de compositeur, la programmation de la première édition de FestiMuses permettra déjà la diffusion de nombreuses ouvres québécoises, et ce, ailleurs que dans la métropole. À Saint-Faustin-Lac Carré, à Saint-Hippolyte, à Val-David, à Saint-Sauveur, à Sainte-Agathe, à Charlemagne, entre autres, auront lieu des concerts, entre le 13 août et le 25 septembre. Le niveau des interprètes à l’affiche varie, mais on retrouve des noms remarquables, tels que Yuli Turovsky et l’ensemble I Musici, le pianiste Stéphan Sylvestre, Natalie Choquette ou l’Ensemble Romulo Larrea. Une preuve tangible que l’idée de Normand Beaudoin-Bellart a su intéresser nos artistes.

Du 13 août au 25 septembre
Voir calendrier classique